Quand on parle du rallye raid moto, le nom de Cyril Neveu s’impose avec force, tant ce pilote a marqué d’une empreinte indélébile cette discipline et plus spécialement, le Paris-Dakar. Rien de surprenant, quand on sait qu’il est le premier vainqueur de l’histoire du Paris-Dakar en catégorie moto. Depuis 1979, Cyril Neveu a enfourché treize motos différentes pour disputer le plus célèbre des rallyes-raids et le remporter à cinq reprises. Mais ce pilote d’exception ne se contente pas de collectionner les victoires, mais les motos aussi. Ainsi, Cyril neveu dispose d’une belle collection comprenant une trentaine de motos, dont certaines sont mythiques. La course automobile a également une place de choix dans son cœur, puisqu’il a disputé quelques rallyes, mais il s’est fait davantage connaître en tant qu’organisateur de rallyes-raids, notamment ceux de la Tunisie et du Maroc. Friand de nouvelles aventures, Neveu a récemment repris le Rallye Classic du Maroc avec pour ambition d’en renforcer le rayonnement international. Dans cet entretien, la quintuple vainqueur du Paris-Dakar ouvre sa boîte à secrets pour nous livrer des détails croustillants sur son parcours riche de challenges, de succès et de dépassement de soi.
A quel âge êtes-vous tombé amoureux de la moto ?
Je viens d’une famille qui a la fibre sportive. Mon père est un passionné du canoë-kayak, qui a remporté d’ailleurs un titre de champion du monde en 1951. J’ai commencé à m’intéresser à la moto à l’âge de 13 ans et à 14 ans, j’ai eu ma première deux roues, une mobylette que j’ai préparée moi-même. Quand j’ai eu 16 ans, j’ai obtenu le permis et j’ai commencé par faire du trial sur une 123 Montesa Trial. J’ai rapidement pris goût à la compétition au point de pratiquer le trial près de huit ans. J’ai fait mes armes dans le championnat de France de trial en 1974. Mais l’évènement qui m’a propulsé a été t ma participation à l’Abidjan-Nice en 1976. Cette course africaine est en quelque sorte l’ancêtre du Dakar. En participant à cette course, j’avais plusieurs challenges, la découverte d’un continent que je ne connaissais pas, mais il y avait aussi un challenge familial puisque c’est mon père qui me faisait l’assistance. Durant ce périple, Thierry Sabine s’est perdu pendant trois jours et quatre nuits et il a failli mourir. Suite à cette péripétie, Thierry a eu le déclic de penser à l’organisation du Paris-Dakar. Lors de la course Abidjan-Nice, j’ai fini sixième et c’était le début de ma passion pour le rallye-raid. Parallèlement, je faisais de l’enduro en étant pilote officiel Honda. C’est ainsi que je me suis également engagé dans le championnat de France d’enduro, car j’ai vu là une possibilité de découvrir l’Afrique par la moto. En 1979, j’ai fait le départ du premier Paris-Dakar créé par Thierry Sabine sur une Yamaha XT500. J’avais vingt et un ans et j’étais déjà aguerri par une expérience de l’Afrique, avec l’Abidjan-Nice. J’étais secondé par mon frère Christophe qui assurait l’assistance et courait en catégorie auto et également mon père, qui m’accompagnait avec un Range Rover et m’assurait toute l’assistance technique nécessaire. Je suis arrivé en tête au terme des 10.000 km de l’épreuve, sans avoir gagné une seule étape. D’un petit gabarit mais solide physiquement et fort mentalement, j’ai trouvé ma discipline fétiche qui m’a permis de faire de ma passion mon métier. Lors de la deuxième édition, les conditions se sont sensiblement améliorées puisque je suis devenu pilote semi-officiel Yamaha, qui m’a fourni la moto et pris en charge les frais liés à la course et ce n’est qu’à mon troisième Dakar en 1981 que je suis devenu professionnel.
Comment avez-vous vécu cette première victoire ?
C’était extraordinaire, parce que je ne m’y attendais pas du tout. La course à l’époque se déroulait sur une journée, avec des étapes très longues de six cents bornes et beaucoup de concurrents ne ralliaient le ne m’ont pas permis d’effectuer la totalité du Paris- point d’arrivée qu’à la tombée de la nuit.
À quel moment avez-vous acquis le statut de pilote professionnel ?
En 1980, j’ai profité du statut de semi-officiel Sonauto Yamaha en bénéficiant du matériel et des pièces, mais pas de l’assistance, qui sera effectuée par mon père. Au guidon d’une XT500 légèrement préparée, je m’impose une deuxième fois, en remportant quatre victoires d’étape. Je devance ainsi Michel Mérel, Jean- Noël Pineau et Jean-Pierre Loiret, tous également sur Yamaha. En 1981, je quitte Yamaha pour l’autre concurrent nippon Honda, avec lequel j’ai eu des hauts et des bas. Dans ce troisième Dakar, je vais accumuler les problèmes techniques. Tous les matins, je me demandais ce que j’étais venu foutre là… Il faut savoir que je ne suis jamais arrivé une seule fois de jour! J’avais le moral au plus bas ! J’ai terminé 25e. En 1982, j’ai atterri dans un team mieux préparé et je suis arrivé au Lac Rose en vainqueur, avec quatre victoires d’étape à la clé. Ma performance évoluera en dents de scie les trois années suivantes : 10e en 1983, 4e en 1984, 5e en 1985 et il faudra attendre 1986 pour renouer avec le succès dans une édition bouleversée par l’accident mortel d’hélicoptère dont ont été victimes Thierry Sabine et quatre autres personnes. Le millésime 1987 sera marqué par une bataille intense avec Gaston Rahier et surtout avec Hubert Auriol. Il n’y en avait pas un qui voulait lâcher, on est deux caractères assez forts, et lui comme moi, on savait qu’on irait jusqu’au bout. Ça a été dur, et malheureusement, il y a eu cette chute. Ça aurait pu m’arriver, c’est lui qui est tombé, ça fait partie de la course. Cela a été une course formidable, avec cinq victoires. C’était quelque chose de fabuleux. Fort de mes cinq titres, je me suis présenté de nouveau au départ du Dakar en 1988, mais je me suis blessé au pied sur l’étape Agadez-Niamey et pour la première fois j’ai dû quitter la course après dix participations consécutives. Mais l’année suivante, j’étais de retour sur Yamaha au guidon d’une YZE750 sur le Paris-Tunis- Dakar en 1989, aux côtés de Stéphane Peterhansel et je me suis classé en cinquième position. En 1990, des problèmes mécaniques au sein du même team Tripoli-Dakar. L’année suivante, j’ai tenté encore une nouvelle fois ma chance, cette fois-ci au guidon d’une Cagiva, mais la motivation n’était plus là. En arrivant à Dakar en 1991, j’ai su qu’il était temps d’arrêter. J’avais pris conscience des risques que je prenais.
Quelle expérience avez-vous retiré de tout ce parcours ?
Pour moi, cela a été une école fantastique. J’en ai retiré toute la substance de ma connaissance de la vie. C’est également une école d’humilité, car lorsque l’on est tout seul dans le désert avec sa moto, on se sent tellement petit et il faut savoir contrôler les éléments, se gérer soi-même, gérer une équipe aussi. Mais pour moi, la course n’était que du plaisir. Quand je vois beaucoup de gens qui ne sont pas épanouis dans leur boulot, je me réjouis de la chance que j’ai eue de vivre pendant trente ans de ma passion, c’est formidable.
Que pensez-vous du Dakar aujourd’hui ?
Maintenant, c’est devenu une autre course où l’assistance est importante. Aujourd’hui c’est du sprint, de notre temps, c’était de l’endurance. Quel regard portez-vous sur l’évolution des rallyes raids ? Quand on a repris les rallyes, l’idée de départ était de faire quelque chose de sympathique, de convivial, mais quand les usines s’y sont mises, on s’est rendu compte que l’esprit du rallye raid allait être défiguré. Nos rallyes étaient tous plus faciles à gérer qu’un Dakar. D’année en année, le rallye raid s’est de plus en plus mis à ressembler au WRC. Ce sont les usines qui ont poussé dans cette voie parce que c’était plus simple pour eux.
En tant que de grand passionné de motos, vous êtes- vous intéressé à la moto ancienne ?
Avec un copain, on a constitué une petite collection de machines qu’on a restaurées. C’est la nostalgie du bon vieux temps. J’ai souhaité retrouver toutes les machines sur lesquelles j’ai couru, parce que je trouve cela sympa de posséder les motos qui m’ont marqué.
Quand avez-vous décidé de passer de l’autre côté de la barrière, pour organiser des rallyes raids ?
À partir de 1988, j’ai commencé à organiser des rallyes en Afrique. On a repris deux rallyes et on a essayé d’en faire quelque chose de sympathique, tourné vers les amateurs, parce qu’on trouvait qu’au niveau du Dakar, il y avait une dérive vers le milieu vraiment professionnel. Mais quand Gilles Lalay s’est tué en 1992, cela m’a vraiment fait un choc et j’ai décidé d’arrêter. Après l’arrêt de la course, j’ai décidé de me consacrer au développement d’évènements en m’associant avec l’homme d’affaires Jean Christophe Pelletier. Neveu Pelletier Organisation lance alors le célèbre Rallye Optic 2000 Tunisie, puis le Rallye ORPI Maroc. J’ai également organisé dans les années 90 le premier Tour de Corse en jet et pendant trois ans (1997 à 2000) l’Optic 2000 Jet Offshore, le Championnat de France d’Endurance Jet avant de créer le Nautical raid en 2009 qui est un raid motonautique jets et bateaux semi-rigides, au Sénégal.
Quels sont les vrais motifs qui vous ont poussé à acquérir le Rallye Maroc Classic ?
J’ai à la fois la passion des sports mécaniques et celle des voitures anciennes. D’ailleurs, j’en possède moi- même une. Je suis également fasciné par l’Afrique et plus précisément par le Maroc. Je connaissais Jean François Rageys depuis longtemps. Il a travaillé pendant deux ans pour moi quand j’organisais des rallyes via sa société Promo Course. Je me suis intéressé à son projet d’organisation du rallye Classic. À son décès, j’ai souhaité l’acheter. Malheureusement, sa veuve avait déjà passé la transaction avec Lanctuit. Et quand j’ai su que Jean Noël voulait revendre le projet, j’ai sauté sur l’occasion. Le Rallye me plaisait, parce que je connaissais les voitures, un peu le milieu et j’adore le pays. Et puis je m’ennuyais parce que j’ai vendu en 2008 les rallyes raids du Maroc et celui de la Tunisie. Donc, je voulais tenter une nouvelle aventure.
Quel changement avez-vous introduit dans l’esprit du rallye ?
Pour moi il était important de garder le même esprit du rallye, avec de belles spéciales. Ce qu’il fallait améliorer en priorité, c’était le système du chronométrage. Vue de mon exposition : Alvis TE 21 Graber Super cabriolet, 1965 et Alfa Romeo 1900 Berline Abarth, 1951. Pour cette édition, l’idée était de rendre le Rallye Maroc Classic un rallye international. On a fait appel à beaucoup de concurrents étrangers en exploitant au maximum mon réseau de relations dans le monde du sport mécanique et surtout des adeptes des rallyes de régularité.
Pouvez-vou nous donner une idée de l’itinéraire de cette année ?
Pour cette édition, le Rallye Maroc Classic abandonne les grandes dunes pour un parcours routier adapté à la soixantaine de magnifiques voitures historiques et de collection qui vont s’engager dans cette épreuve. Les concurrents parcourront environ 2.200 km en sept étapes, de Casablanca à Marrakech, en passant par Fès, Ifrane, Boumalne Dades, M’Hamid et Ouarzazate. Cette première année se distinguera par la présence en force des Alpine Renault. De nombreuses autres marques automobiles seront également représentées, comme par exemple un grand nombre de Mercedes et de Porsche, sept Jaguar, des Morgan three wheels, quatre Ferrari, des Ford Mustang, deux Ac Cobra, une Bentley, une Corvette, Alfa Romeo et bien d’autres encore. Parmi les nouveautés, on retrouvera outre les 16 épreuves classiques de régularité, trois épreuves en circuit, où les voitures puissantes pourront s’exprimer, ainsi qu’un luxueux bivouac aux portes du désert. Par ailleurs, quelques « People » participeront également à ce rallye, dont Adriana Karembeu, qui roulera dans une Mercedes 190 SL, les comédiens Alexandre Brasseur et Philippe Caroit dans des Alpine Renault ainsi que Denis Brogniart de TF1, qui lui aussi découvrira le bonheur de rouler dans une Alpine Renault. Deux équipages féminins complètent ce tableau, dont les vainqueurs du Rallye des Princesses : Isabelle Pesqui-Gedai et Christine Jore-Halliot, dans une Ferrari 575. Il y a lieu de noter enfin la participation d’un équipage composé de Carlos Ghistelincck, vainqueur du rallye du Maroc Classic en 2002, accompagné de David Lieven, vainqueur du rallye Monte-Carlo 2014, dans une Opel Kadett GTE 1978.
À part la moto, vous avez également fait du sport automobile….
Oui, j’ai fait tous les rallyes, sauf le Dakar. Je ne l’ai pas fait parce que je ne voulais pas courir dans de mauvaises conditions. J’avais une image forte au Dakar, en raison de mes succès en moto. Par ailleurs, les budgets étaient très importants et je ne les avais pas. J’ai eu une opportunité avec Seat pour officiellement faire le Dakar, mais le constructeur a finalement arrêté le programme. Sans être prétentieux, je voulais bien faire mes armes et prouver ce que je savais faire. Avec Seat, j’ai fait troisième et quatrième derrière les Citroën et Mitsubishi. Donc, j’avais le potentiel. Je ne regrette pas ce manque de bol, car je suis passé à l’organisation de rallyes, notamment ceux de la Tunisie et du Maroc et cela m’a donné beaucoup de satisfaction, puisque je suis resté dans le milieu que j’affectionnais, à savoir la course automobile. C’était vraiment super !
Quand avez- vous arrêté le sport automobile ?
J’ai arrêté la course automobile en 1998. Mais j’ai réalisé quand même de jolies performances : deuxième au Trophy Andros, quatrième au rallye d’attelage… J’ai par ailleurs participé à deux courses WRC sur asphalte au rallye du Var. Mais ma préférence reste le tout- terrain. L’Afrique me passionnait, ainsi que le pilotage dans le désert, surtout les sensations ressenties lors du franchissement des dunes.
Intéressez-vous aux voitures anciennes ?
Cyril Neveu : J’ai toujours aimé les voitures anciennes. J’en possède depuis 25 ans. J’ai hérité de la DS cabriolet de mon père. Je possède également une Corvette de 57, ainsi qu’une Honda S800. Ma dernière acquisition est une Fiat Dino. Je possède par ailleurs une trentaine de motos anciennes.
Quels sont les pilotes qui vous ont marqué ?
Le quadruple champion du monde de Formule 1, Alain Prost, parce que je suis très copain avec lui. C’est mon icône. Il était très méthodique et c’est pour cette raison qu’il a pu devenir un grand champion. Certes la chance existe, mais il faut travailler très dur pour la saisir et surtout la conserver.
Votre moto préférée ?
Cela va de la Kawazaki H2 à la Norton Commando. Et puis, j’ai un faible aussi pour les trails. J’aime surtout les tous premiers trails. À Paris, je roule en Yamaha T-Max 500. En enduro, je préfère la KTM 300. Enfin, la Honda avec laquelle j’ai tout gagné en 1982 et que Honda m’a offert a une place particulière dans mon cœur.
Quels sont les autres sports que vous pratiquez ?
J’ai un peu pris de l’embonpoint (rires ). J’adore faire du VTT. Je fais également du ski, du ski nautique, du jet ski…Bref, tous les sports de glisse me passionnent.
BIOGRAPHIE:
1956: Naissance à Orléans en France
1979:Première participation au Rallye Paris Dakar sur une Yamaha XT 500 et première victoire
1980: Deuxième victoire au Rallye Paris Dakar sur Yamaha XT 500
1982: Troisième victoire au Rallye Paris Dakar sur Honda 550XR et champion de France en enduro
1986: Quatrième victoire au Rallye Paris Dakar sur Honda NXR 750.
1987: Cinquième victoire au Rallye Paris Dakar sur Honda Organisateur de Rallye en Coupe du monde des Rallyes-raids : le rallye Optic
2000: Tunisie et la rallye Guy Hoquet Maroc.
Gérant de C.N.P (Cyril Neveu Promotion) depuis 1987 : le Tour de Corse en jet-ski
Organisateur du Rallye de régularité pour voitures anciennes Maroc Classic, depuis 2013