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Entretien avec Luca Betti: Le parcours d’un passionné – Version française

Luca Betti : Du rallye à l’entrepreneuriat, le parcours d’un passionné 

Luca Betti est un entrepreneur et fondateur italien de Kimera Automobili, une entreprise spécialisée dans la restauration et la création de voitures de course de style classique. Fils de pilote, passionné de sport automobile, il a transformé son écurie en un lieu dédié à ces voitures et son entreprise est aujourd’hui un incubateur de versions modernes de la Lancia de course. Luca Betti a souvent souligné sa passion profonde pour le rallye, un sport qui exige à la fois une grande maîtrise technique et un sens de l’aventure. Toujours dans l’esprit du passé, mais projeté vers la prochaine chicane, il a su allier avec succès affaires, sport automobile et même télévision.

Découvrir l’histoire captivante en PDF

Votre père était pilote de course. Avez-vous baigné dans la passion automobile dès votre plus jeune âge ?

 Je suis né dans une famille de passionnés de rallye. Mon père a piloté des Ascona, Kadett, 911, Stratos, 037, Delta, entre autres. Très jeune, j’ai été marqué par ce monde : le bruit des moteurs, l’odeur de l’essence, la compétition. C’est familial et j’ai grandi entouré par ces histoires de course. Déjà enfant, je contemplais des maquettes de voitures, j’étais fasciné. Ayrton Senna aussi a été une grande source d’inspiration pour moi.

Où s’est déroulée votre première course ?

En Italie, en Garfagnana. Les deux premières années, j’ai couru en Italie pour acquérir de l’expérience et parce que les coûts étaient évidemment moins élevés que pour les courses internationales. Puis, deux ans plus tard, j’ai participé à ma première course à l’étranger, au Pays de Galles, pour le championnat du monde. Je m’en souviens encore : mes deux meilleurs amis et moi, avec un camping-car, une remorque et la voiture de course sur le toit. J’avais une vingtaine d’années. Que de beaux souvenirs !

Parlez-nous de votre carrière et de votre palmarès

J’ai fait mes débuts dès 1998 dans le trophée mono-marque Fiat… J’ai ensuite été convoqué dans l’équipe junior Fiat et je suis devenu champion italien U23. Après une saison dans la Coupe d’Europe, j’ai abandonné le rallye à plein temps en 2014, pour me concentrer sur mes activités entrepreneuriales.

Monte-Carlo 2009 : une course de rêve…

Cette course a été, je pense, l’une de mes plus belles expériences… Une grande satisfaction.

Quels sont les défis que vous avez eu à affronter en WRC ? 

En WRC, il n’y a aucune place pour l’erreur. Les meilleurs pilotes du monde sont là et chaque étape est une guerre mentale. Il faut être préparé à tout, car un rallye peut basculer en un instant. Ce n’est pas seulement la vitesse qui compte. C’est la stratégie, la gestion des pneus, la lecture des routes et surtout la capacité à garder son calme sous pression. 

Comment vous préparez-vous à chaque course de rallye ?

Avant chaque rallye, il est essentiel de préparer la voiture et de discuter avec les ingénieurs, mais la préparation mentale est tout aussi cruciale. C’est cette préparation qui fait la différence, lors des moments clés de la course.

Le rallye est une discipline de travail d’équipe. Le copilote est tout aussi important que le pilote, il est mon guide. Sans lui, je ne pourrais pas prendre les bonnes décisions à temps. L’équipe mécanique, les ingénieurs, ce sont eux qui font en sorte que la voiture soit prête à affronter les défis du rallye. 

Qu’est-ce qui vous motive pour vous surpasser à chaque fois que vous êtes au volant d’une voiture de rallye ? 

Primo, les fans sont une grande source de motivation pour moi. J’ai eu la chance de pouvoir participer à des événements en Italie et l’énergie des spectateurs locaux est incroyable. Quand je suis sur une spéciale, je sens qu’ils sont avec moi et cela me donne des ailes. Secundo, rouler en Italie, c’est un rêve. Nos routes, nos paysages, c’est un défi constant pour tout pilote. Mais c’est aussi un honneur de porter les couleurs de l’Italie à l’international. 

Que représente pour vous le rallye ?

Le rallye, c’est ma vie. C’est un sport difficile, mais tellement fascinant. Chaque course est un nouveau défi et chaque rallye est une occasion d’apprendre et de se surpasser. 

Après votre carrière en rallye, notamment en Championnat du Monde des Rallyes (WRC) et en IRC, pourquoi avoir choisi de vous tourner vers la restauration ?

Luca Betti : La compétition, c’est une école de rigueur. Mais je ressentais le besoin de créer quelque chose de durable. Restaurer une voiture classique, c’est redonner vie à une œuvre. J’ai grandi entouré de Lancia, d’Alfa Romeo, de Ferrari. Ces voitures ont une âme. Quand on les restaure correctement, on raconte leur histoire et parfois, on la sauve de l’oubli.

Comment vous en êtes arrivé à fonder Kimera Automobili ?

En 2008 j’ai créé Kimera Motorsport, mon écurie. Le but initial était de mêler ma passion de pilote et mes compétences de gestion/management dans le sport automobile. Avec le temps, j’ai senti qu’il y avait un espace entre les voitures classiques emblématiques du passé -notamment les Lancia- et ce qu’on pouvait faire aujourd’hui avec les technologies modernes. C’est comme ça qu’est née l’idée de Kimera Automobili : réinterpréter ces légendes,  dans une vision contemporaine, sans perdre leur âme. 

Le nom “Kimera” a une signification particulière pour vous ?

Oui. “Kimera” renvoie à la chimère mythologique — un être hybride, un mélange, quelque chose qui ne se limite pas à un modèle unique. Ça reflète l’idée de mélange entre passé et présent, tradition et innovation. De plus, “KMR” ou “Kimera” pour moi évoque “Keeping My Road” -garder ma route-, rester fidèle à ce qu’on croit, à sa passion, même quand c’est difficile. 

Quelle est votre philosophie pour Kimera, en particulier concernant l’EVO37 ?

Pour l’EVO37, le but était de créer ce que j’appelle une « Authentica Evoluzione » — une évolution authentique. Ce n’est pas juste une restauration, ni un simple restomod. C’est réimaginer la Lancia Rally 037, non pas pour la reproduire servilement, mais pour la faire vivre aujourd’hui, avec les moyens techniques modernes : carbone, kevlar, matériaux haut de gamme, ingénierie contemporaine, tout en conservant le style, la passion, les sensations des voitures de rallye des années 80. 

Nous avons limité la production à 37 unités, justement pour conserver l’exclusivité, le caractère, le lien affectif, le mythe. Chaque voiture est très personnalisée, chaque client peut réellement participer au design, aux finitions, etc. 

Pouvez-vous nous décrire la Kimera 037 ? 

La Kimera EVO37 est une voiture fantastique. Elle est puissante, mais aussi très maniable. C’est une vraie bête sur les terrains difficiles. Son moteur est extrêmement réactif et la manière dont la voiture prend les virages est absolument incroyable. Elle me rappelle les sensations des anciennes voitures de rallye, mais avec une technologie moderne, qui rend l’expérience encore plus impressionnante.

Quels sont les défis principaux quand on crée une voiture comme l’EVO37 aujourd’hui ?

 Beaucoup de défis et d’abord d’ordre technique, car il s’agit notamment de reprendre un design ancien et de le rendre sûr, fiable, performant, selon les normes actuelles. Par exemple, le moteur a été reconçu (monobloc moderne), les suspensions, les matériaux… tout doit être mis à jour pour répondre aux attentes modernes. Ensuite, d’ordre logistique : les fournisseurs, la coordination, les coûts, les délais… ce sont de gros enjeux, surtout quand on est une entreprise de niche. Enfin, une question d’image : respecter les attentes des passionnés, qui ont une image idéalisée des classiques, sans tomber dans la copie ou la nostalgie creuse. Trouver le bon équilibre entre hommage, innovation et performance. 

A-t-elle réussi à préserver l’ADN de son aïeule ? 

La Kimera EVO37 capture l’essence des grandes voitures de rallye classiques, comme la Lancia 037. Elle est conçue pour les puristes, mais avec les technologies modernes, qui permettent de repousser les limites de la performance. Conduire une voiture comme celle-ci, c’est comme revenir aux racines du rallye, tout en étant propulsé dans le futur.

Q : Comment la trouvez-vous sur la route ? Est-ce qu’elle distille des sensations authentiques de voiture de course ? 

Conduire la Kimera EVO37 n’est pas une tâche facile, mais c’est un défi que j’adore. Elle est rapide, mais elle demande une grande précision. Chaque virage, chaque accélération nécessite une attention particulière. C’est cette combinaison de puissance et de contrôle qui rend cette voiture si spéciale. 

La Kimera EVO37 montre ce que l’avenir du rallye pourrait être. Elle combine le meilleur du passé avec les avancées modernes, ce qui en fait un excellent point de départ pour la prochaine génération de voitures de rallye. Ce genre d’innovation est exactement ce dont le sport a besoin pour évoluer.

Qu’en est-il de sa remplaçante, l’EVO 38 ?  

Révélée au Salon de Genève 2024, l’EVO38 est la sœur emblématique de la 037, mais avec quelque chose de plus fou et de plus fascinant à la fois, car elle est  dotée de la transmission intégrale mais aussi une généreuse amélioration du moteur qui porte sa puissance à 600 chevaux. Il s’agit en fait d’un hommage à la SE038 Mazinga, une évolution de la 037 conçue par les ingénieurs de Lancia, mais qui n’a jamais vu la route, au profit d’une autre voiture à la vie mouvementée : la Delta S4.

Luca Betti, on vous connaît comme pilote de rallye, mais aussi comme restaurateur  de voitures anciennes. Entre compétition et atelier, comment définissez-vous votre rapport à l’automobile ?

L’automobile, pour moi, n’est pas qu’un outil de performance, c’est une forme d’expression. Courir m’a appris le langage de la vitesse, mais restaurer m’a appris celui du temps. Ce sont deux passions complémentaires : l’une est immédiate et brutale, l’autre patiente et précise. Les deux demandent une exigence totale.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ? 

Mon équipe et moi travaillons déjà sur le prochain joyau. Pour l’instant, il n’existe qu’un seul nom de code : K39, qui confirmera définitivement Kimera Automobili comme une petite et grande usine d’ingénierie. La K39 sera donc la plus «Betti» de toutes, un nouveau projet, né de plus de 30 ans de sport automobile, mais sans la comparaison avec tous les «restomods», qui partent d’un modèle plus ancien. Plus globalement, on veut continuer l’“evoluzione autentica”. Projets nouveaux, peut-être des modèles plus originaux, plus poussés, toujours dans cette idée de few-off, limité, très haut de gamme, avec une âme. Et continuer à faire vivre cette passion. 

Une voiture vous a-t-elle particulièrement marqué par son histoire ou sa complexité de restauration ?

Il y en a plusieurs, mais je pense immédiatement à une Lancia Aurelia B20 GT, que nous avons restaurée pour un collectionneur anglais. Elle avait couru les Mille Miglia dans les années 50. Chaque détail comptait : la patine d’origine, les soudures à l’ancienne, le cuir patiné… On a dû faire venir certaines pièces depuis Turin, recréer des éléments à la main. C’était un défi, mais aussi un privilège.

Si vous deviez restaurer une voiture pour vous, juste pour le plaisir, laquelle choisiriez-vous ?

 Une Ferrari 250 GT Lusso. Pour moi, c’est l’équilibre parfait entre élégance, sportivité et ligne intemporelle. Mais je ne dirais pas non à une Delta S4… L’enfant du rallye que je suis a toujours rêvé d’en avoir une dans son garage.

Vous n’êtes pas que pilote et entrepreneur. Vous êtes également une figure de la TV italienne. Racontez-nous votre expérience dans l’émission de télé réalité «Pechino Express» ?

Tout a commencé presque par hasard. Par le passé, j’avais été sélectionné pour les campagnes TV de mes sponsors. C’est là que je me suis fait remarquer : ils m’ont d’abord proposé un format lié au monde du sport automobile, puis Pechino Express. J’étais heureux de relever ce défi et de me lancer dans une aventure presque… rallye ! J’ai également été très chanceux de pouvoir participer à l’émission «Voyage du Pékin Express». Voyager, participer à un jeu super amusant, avoir de merveilleux compagnons de voyage et surtout, visiter des endroits magnifiques a été un privilège. 

Quels sont vos hobbies ? 

Je suis un passionné de photographie, notamment de paysages et de voitures. Cette passion, plus intime, me permet de m’évader du monde des rallyes et de capturer des moments et des émotions que je ressens pendant mes voyages. Lors de mes participations aux rallyes, je prends souvent le temps d’immortaliser les paysages spectaculaires et les moments clés de mes courses.

En dehors du rallye, je reste très actif sur le plan sportif. Je pratique régulièrement des activités physiques pour maintenir ma forme et améliorer ma condition physique, essentielle pour tout pilote de rallye. Je pratique notamment des sports de plein air comme le vtt, la randonnée et parfois le ski.

Biographie :

1978 : naissance à Cuneo, en Italie

1998 : commence sa carrière en rallye dans le Trofeo Fiat Cinquecento.

1999 : devient pilote officiel dans l’équipe Junior de Fiat Auto champion italien des moins de 23 ans.

2000 : débute dans le Championnat du monde des rallyes (WRC)

2008 : fonde sa propre équipe, Kimera Motorsport.

2011 : Vice-champion d’Europe des rallyes. 

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