Christian Lavieille est une légende vivante de l’endurance moto, avec trois victoires au Bol d’Or (1996-1999-2001) et deux titres de champion du monde (1998 et 2001), au sein du fameux SERT (Suzuki Endurance Racing Team) de Dominique Méliand. Il est également une valeur sûre du rallye-raid. Sa reconversion en sport automobile fait de lui un touche-à-tout de talent : course sur glace en Trophée Andros, Supertourisme, rallye-raids, dont 12 participations au Dakar et aussi les 24 Heures du Mans. Enfant, il rêvait de rouler au volant d’une Porsche.
Quelques années plus tard, il a réussi à transformer son rêve en réalité, en ayant l’opportunité de courir à bord des Porsche de course. Gentlemen Drivers a fait, le temps d’un entretien avec ce pilote chevronné, une immersion dans son monde fascinant, basé sur la passion pour les sports mécaniques et jalonné de défis et de grandes réalisations.
Étiez-vous passionné de moto depuis l’enfance? Et si oui, cette sensibilité, l’avez-vous héritée de vos parents, de votre entourage ?
Mes parents sont des passionnés de sport mécanique. Ils m’ont emmené au 24H du Mans auto en 79, où mon père enregistrait les Matra dans la ligne droite des Hunaudières, avec un magnétophone. Je suis venu au circuit Paul Ricard en 78, voir un grand prix moto.
Vous rappelez vous de votre première moto?
C’était une 50 DT Yamaha, acquise à l’âge de 14 ans. Ensuite, j’ai commencé à faire du moto cross à l’âge de 15 ans et à 18 ans j’ai acheté une Yamaha 350RDLC.
Comment avez-vous mis le pied à l’étrier en sport mécanique ?
Par le moto cross et ensuite je roulais très vite sur la route, même trop vite. Mon frère avait des amis qui faisaient de la compétition sur circuit et ils m’ont poussé à faire mes premiers pas sur les circuits et il y a eu les premières chutes bien sûr. Mes parents ne voulaient pas me prêter de l’argent pour m’acheter une moto, ils pensaient que c’était de l’argent perdu. Alors, mon frère m’a avancé de l’argent pour concrétiser mon rêve.
Que représente pour vous Dominique Méliand ?
Si aujourd’hui, j’ai réussi une telle carrière en moto et que je suis encore en sport auto, c’est grâce à Dominique Méliand. Je l’en remercie encore. Je dis toujours que c’est mon père spirituel. En 1988, c’est lui qui est venu me chercher au Promosport.
Le jour où il m’a appelé, j’ai répondu «Oui Monsieur». Pour moi, c’était un petit homme toujours excité dans les stands, qui terrorisait un peu tout le monde, à l’époque. J’étais venu en catimini chez lui au Mans, où j’avais rencontré tous ses mécaniciens, qui sont toujours là, pour la plupart. C’est quelqu’un de tenace, qui ne lâche jamais rien. Une vingtaine d’années après, il est toujours là, avec une motivation intacte de gagner. C’est sa personnalité de mettre la pression dans le stand. Il en joue un peu. Il m’a beaucoup apporté dans la vie. Il peut tout donner quand on gagne sa confiance, mais il est méfiant au début.
Quels résultats avez-vous réalisé en compétition ?
La première année en 1988, j’ai terminé 9 e du championnat de France Promosport en 250cc et l’année suivante, j’ai gagné le titre, en remportant 9 courses sur 10. En 1990, un grand monsieur de l’endurance, Dominique Méliand, m’a appelé pour me faire intégrer le team officiel Suzuki. En 1994, j’ai été classé 3 e au Bol d’Or (Suzuki
Endurance Racing Team). Deux années après, j’ai décroché la 2 e place aux 24 h du Mans (Suzuki Endurance Racing Team). Mais ce n’est qu’en 1996 que j’intègre une nouvelle dimension, avec ma deuxième place au championnat du monde d’endurance et ma victoire au Bol d’Or. À partir de là, mon objectif était la première place au championnat du monde d’endurance, un vœu qui fut finalement exaucé en 1998.
L’année suivante, je’ai remporté encore une fois la victoire au Bol d’Or. En 2000, j’ai décroché la deuxième place aux 24 heures du Mans Moto. Mon parcours prendra plus de relief avec mes deux victoires en 2001 au Bol d’Or et à la Coupe du monde d’endurance. En 2002, j’ai clôturé mes réalisations en apothéose, avec une victoire au Master d’endurance.
En course sur glace, j’ai remporté mon premier trophée Andros en 2001. En rallye, mon premier succès fut la première place au Nismo Challenge Nissan en 2006. Cette même année, j’ai également été vainqueur de la Coupe du Monde Catégorie Marathon. L’année suivante, j’ai remporté la victoire au Rallye des Pharaons sur Nissan Pick up 05. En 2008, j’ai remporté le Rallye Transybéria pour Porsche France, sur un Cayenne et quatre années plus tard, j’ai été vainqueur du Rallye Carmin Baja et des 24h TT de Paris par équipe. Par ailleurs, j’ai été vainqueur du China Grand Rallye avec Haval Great Wall Team SMG à deux reprises, en 2014 et 2015. En 2016, je me suis imposé ici, chez vous, à l’occasion du Rallye Oilibya Maroc et puis l’année dernière j’ai remporté la catégorie marathon du Dakar et le rallye Taklimakan.
Le titre de champion du monde d’endurance est-il le point d’orgue de votre carrière en moto ?
Quand j’ai commencé en endurance, je me suis fixé deux objectifs, gagner le Bol D’or et un titre de champion du monde.
Gardez vous dans votre garage les motos avec lesquelles vous avez gagné des courses ?
Non, j’ai juste une Norton de mon père 650 commando, qui est comme neuve.
Qu’est ce qui vous a poussé à vous convertir au sport automobile? Et pourquoi avoir commencé avec le sport auto sur glace?
Quand j’ai arrêté la moto, je voulais participer au Dakar et aux 24h du Mans auto. J’étais le premier dans l’histoire à participer la même année aux 24h du Mans auto et moto en 2002 et également aux 24h de Spa auto et moto. Ensuite, Michelin m’a invité à participer à des courses sur glace.
Quels sont vos résultats les plus significatifs en sport auto ?
Déjà, le fait de terminer mes deux participations au Mans, ensuite mon titre de champion du monde en rallye raid en catégorie marathon avec Nissan en 2006, ma victoire avec Porsche au rallye Transsyberia, mes deux victoires au rallye des Pharaons et bien sûr le Dakar 2017, durant lequel j’ai gagné la catégorie marathon.
Quelle différence trouvez-vous entre l’endurance sur piste (Le Mans) et en rallye (Paris-Dakar)?
Il y a un côté endurance dans les deux disciplines, où il faut essayer de préserver la voiture tout en roulant vite. Cela dit, en rallye raid, il y a moins de cinéma, de paillettes et autres…
Dans les deux disciplines, il faut avoir de bonnes autos pour jouer devant. Donc, il faut faire ses preuves et avoir un peu de réussite.
Pouvez-vous nous raconter quelques anecdotes croustillantes, que vous avez gardées en mémoire, au cours de vos courses ?
Lors du Dakar 2005, nous avions dormi cinq heures en quatre jours, le fait d’abandonner daqns des courses de 24h à une heure de l’arrivée, alors que j’étais en tête, la victoire aux 24h du Mans moto, qui se refusait tous les ans, malgré mes X podiums, même la dernière année j’étais en tête et un pilote maladroit est venu me percuter à deux heures de l’arrivée en pleine ligne droite alors que nous étions derrière un safetycar.
Avez-vous déjà été confronté à un accident spectaculaire, qui vous a poussé à vous remettre en question par rapport aux risques du sport auto ?
Personnellement j’ai eu des chutes à haute vitesse à plus de 200 km/h, mais je ne me suis jamais gravement blessé, juste des petites fractures. Par contre, j’ai assisté à de gros accidents en voiture et moto, mais aucun ne m’a marqué au point de me faire douter de mon activité.
Est-il plus difficile de passer du volant au guidon ou l’inverse ?
Il est incontestablement beaucoup plus difficile de passer du volant au guidon. D’ailleurs, il n’y a jamais eu de pilote de voiture qui a couru ensuite en compétition moto. Par contre, il y a beaucoup de pilotes moto qui sont passés à la voiture. Et ils ont été rapidement dans le rythme. Après, pour être les plus rapides, c’est une autre
histoire.
Qu’a représenté pour vous le passage chez Renault Argentine, pour disputer le Rallye Dakar 2016 ?
J’étais ravi de retrouver mon ancien co-pilote, Jean-Michel Polato, avec qui nous avons terminé 8 e au scratch au Dakar 2011. L’équipe était encore jeune et nous avions beaucoup à apprendre ensemble.
En quoi votre carrière de motard vous a-t-elle aidé à vous adapter au Rallye Raid ?
Ma carrière de motard m’a beaucoup aidé quand j’ai commencé le Rallye Raid. Tous les aspects de gestion du véhicule pendant une épreuve d’endurance, je les maîtrisais déjà.
Qu’est ce qui vous plaît le plus dans les rallyes raids ?
Découvrir un nouveau continent, un nouveau pays, cela a toujours une saveur particulière. Évidemment, les victoires ou les bonnes performances sont de bons souvenirs, mais les galères, les nuits à la belle étoile ou dans un bivouac sont mes meilleurs souvenirs. En fait, le rallye raid, c’est une compétition d’aventuriers, qui permet de se dépasser, de tester ses limites.
Vos préférences dans le rallye raid ?
Le franchissement de dunes, car il faut être patient, malin et on a toujours cette montée d’adrénaline quand on franchit une dune ! Par contre je déteste avoir une casse sur mon véhicule et me retrouver planté au milieu de la piste…
Quel souvenir gardez-vous de votre participation au Rallye OiLibya du Maroc?
Le Rallye OiLibya du Maroc fait partie du programme mis en place par Toyota Autobody. C’est un Rallye avec des terrains très variés, il fait partie des vraies terres du OffRoad. C’est ce qui m’a réellement plu.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le sport mécanique d’endurance ?
Avec les nouvelles technologies (hybride, récupération d’énergie et autres…), il est difficile pour un privé de s’illustrer. Il faudrait deux classements dans la course. Par contre, l’ACO a trouvé une bonne équivalence en performance, entre les diesel et essence.
Quelles sont parmi les voitures anciennes ou modernes, celles qui vous fascinent le plus ?
Les voitures françaises: la Matra du Mans et les Alpine berlinettes …
Je sais que vous êtes un passionné de belles voitures. Pour laquelle avez-vous le plus craqué ?
Petit, je rêvais d’une Porsche. Dès que j’ai pu, je m’en suis payé une. C’était l’une des premières Porsche 911 Carrera 4.
Quelles voitures avez-vous eues ensuite?
Une Porsche 993 bi-turbo. J’ai eu aussi une Honda NSX, une Lancia Integrale et une BMW M5.
Vous souvenez-vous de votre première voiture ?
C’était une R15 GTL, avec lève-vitres électrique. On a vraiment fait les 400 coups avec, mais je ne l’ai jamais pliée.
Quels sont vos hobbies ?
Le sport en général. Je pratique beaucoup de vélo et de course à pied. Je suis également passionné de montagne, de ski, randonnées. Enfin, j’aime voyager, car j’ai besoin de bouger…
Biographie
1965 : naissance à Villefranche sur Saône, en France Palmarès Moto
1987 : débute en compétition
1988 : champion de France Promosport
1991 : vainqueur des 24Heures de Spa, 2 e au Bol d’Or
1996 : vice-champion du monde d’Endurance, vainqueur du Bol d’Or
1998 : champion du monde d’endurance
1999 : vice-champion du !monde d’endurance, Vainqueur du Bol d’Or
2001 : vainqueur du Bol d’Or, vainqueur de la Coupe du monde d’endurance
2002 : Vainqueur du Master d’endurance Palmarès Auto
2000 : Trophée Andros : Victoire à l’Alpe-d’Huez et en Andorre
2001 : vainqueur du trophée Andros Form !ule FFSA, 4 victoires
2002 : 24 Heures du Mans, 24 Heures de Spa, GT France
2003: participation au Dakar.
2004 : participation au Dakar – Team Nissan China Dessoude Rallye Orpi Maroc, 9 e au général sur Nissan Patrol GR, 16 e aux 24 Heures du Mans -Team Luc Alphand Aventures, 5 e en GT Rallye des Pharaons
2005 : participation au Dakar avec un journaliste de France Télévision, 57 e . Rallye
Optic 2000, 9 e au général , sur Nissan Patfinder.
2006 : Lisboa-Dakar – 20 e au général- 1 er au Nismo Challenge sur Nissan Patrol,
Rallye de Tunisie
2008 : victoire au Rallye Transybéria pour Porsche France, sur un Cayenne
2012 : vainqueur du Rallye Carmin Baja et des 24h TT de Paris par équipe
2014-2015 : vainqueur du China Grand Rallye avec Haval Great Wall Team SMG
2015: 4e du China Grand Rallye avec Haval Great Wall Team
2016: vainqueur du rallye Oilibya Maroc catégorie open – Team Toyota Autobdy
2017: Dakar, vainqueur en catégorie marathon, 23e du classement général – team Toyota Autobody, Vainqueur du rallye Taklimakan avec BAIC Motors BJ40 (Toyota), 2 e au Silk Way Rallye avec BAIC Motors BJ40 (Toyota).