McLaren 650S Spider & Fragonard – N’en déplaise à Alfred de Musset, le parfumeur historique et la marque britannique attachent autant d’importance au contenant qu’au contenu.
Le fameux parfumeur et le jeune constructeur partagent peu… a priori. L’image de McLaren s’éloigne obstinément de celle de Fragonard : une certaine idée de l’artisanat à la française, d’un côté, un bolide façonné par le froid génie d’un ordinateur, de l’autre. Pourtant, à en croire le regard émerveillé des habitants de Grasse, au passage de la 650S Spider, force est de reconnaître que l’intelligence artificielle peut aussi susciter certaines émotions. Non seulement la découvrable de Woking ne laisse pas de marbre, mais elle devient même électrisante au moment de prendre place à bord. Manœuvrer la portière en élytre annonce la couleur. Enjamber l’épais ponton de la coque carbone entretient l’ambiance. Se laisser glisser au fond du siège baquet active le palpitant. Pour le conducteur, le bonheur ne tient plus, désormais, qu’à une simple pression de l’index… sur le bouton-poussoir “Start Engine” trônant au sommet de la console centrale. Pied sur le frein, préalable au réveil de la salle des machines, le pilote peut prendre le temps d’apprécier le raffinement de l’aménagement.
Articulé au plancher, le pédalier s’avère parfaitement aligné avec le volant… comme dans un “proto” ou une monoplace. Preuve que cette 650S partage beaucoup plus que son badge avec le monde de la course. La présomption se vérifie une fois le moteur lancé. À l’instar d’une mécanique dédiée à la compétition, le V8 bi-turbo, implanté au dos des deux occupants, se racle bruyamment les échappements au démarrage, avant de retrouver un semblant de calme au ralenti. Intimidant de prime abord, surtout en position toit escamotable replié, ce 3.8-litres made in Englandse laisse volontiers dompter pour assumer brillamment les tâches du quotidien. Excellente alliée en la circonstance, laboîte robotisée à 7 rapports permet d’évoluer sur un filet de gaz, sans à-coup, ni soubresaut. Engagée en mode Drive, la transmission se révèle toujours plus douce depuis sa première apparition sous le capot de la MP4-12C.
UNE VOITURE QUI SE PILOTE
Déroutante, la 650S sait aussi l’être avec les freins. Entre le toucher de pédale extrêmement ferme et le manque de mordant à faible allure, il y a de quoi en perdre son latin. Un signe tangible que la supercar de Sa Majesté préfère être pilotée que conduite. Comme avec les pures pistardes, ses disques en carbone-céramique induisent un temps de réponse déconcertant lors d’un simple ralentissement, alors que leur efficacité est diabolique en usage intensif. Il suffit de rejoindre les routes escarpées des gorges de Daluis pour s’en rendre compte. La voiture semble s’arrêter sur place en entrée de courbe, malgré la vitesse prodigieuse atteinte après quelques centaines de mètres de ligne droite. Il en faut peu, en effet, aux 650 ch, pour 678 Nm de couple, pour téléporter le spider de virage en épingle, dans un râle à fissurer la montagne.
Si la cavalerie se fait parfois attendre à très bas régime, le temps que la double suralimentation fasse effet, la poussée devient ensuite franchement physique… pour ne s’interrompre qu’à l’intervention du rupteur à 8 500 tr/min. La précision métrologique de la direction permet, heureusement, de choisir le bon cap. La suspension pilotée à double triangulation éradiquant le moindre mouvement de caisse, la McLaren obtempère immédiatement. Etl’équilibre du châssis encourage à passer toujours plus vite. Les limites d’adhérence semblent inaccessibles, au point qu’il faut se faire violence, ou frôler l’inconscience, pour tenter de les rejoindre. Gare, le ravin guette… Les dernières encablures avant l’arrivée chez Fragonard se font à une allure plus raisonnable, afin de profiter de la conduite cheveux au vent. Et d’apprécier le confort de marche étonnant pour une sportive s’imprégnant d’un tel parfum de compétition. Une fragrance subtile que ne renierait pas le parfumeur français.
LE PARFUMEUR FRAGONARD
Installée depuis toujours à Grasse, la célèbre parfumerie doit son nom au grand peintre Jean-Honoré Fragonard, originaire de la cité des Alpes-Maritimes. Eugène Fuchs, à qui l’on doit la naissance de cette grande maison en 1926, voulut, en effet, rendre hommage à cet artiste majeur du XVIIIe siècle. Aujourd’hui dirigée par les arrière-petites-filles du fondateur, l’entreprise familiale diversifie ses activités entre l’élaboration de fragrances, la savonnerie et laproduction de cosmétiques. Avant-gardiste, Fragonard comprit, dès le début des années 1960, que le tourisme pouvait participer à sa santé économique. À partir de cette période, les sites de fabrication furent ainsi pensés pouraccueillir le public en leur sein et favoriser les visites. La maison n’a pas quitté son cœur de métier pour autant et reste l’une des dernières à créer, produire et distribuer ses parfums, après avoir officié pour d’autres, comme Elizabeth Arden aux États-Unis, au début du siècle dernier.