Ce n’est pas un fan du sport automobile à la base et pourtant Aly Horma a marqué d’une empreinte indélébile ce milieu en étant à l’origine de l’organisation d’un Grand Prix WTCC au Maroc. C’est une prouesse à saluer, dans la mesure où l’intégration au calendrier était beaucoup plus un projet loufoque, même pour les figures de proue de la course automobile dans notre pays. La rencontre par hasard de deux jeunes (Ndlr Aly Horma et Islam Zahid) avec des investisseurs étrangers a été le point de départ d’une aventure qui mobilisera des énergies par tout le pays. Le mérite en revient à leur audace, à leur témérité et à leur persévérance, car ils avaient à cœur de voir le Maroc briller de mille feux sur la scène internationale. L’annulation de la troisième édition qui aurait pu faire capoter tout le projet n’a pas eu raison de leur obstination de replacer la ville ocre sous les feux des projecteurs. En pleins préparatifs de cet évènement grandiose, Aly Horma a eu l’amabilité de nous accorder cet interview, afin de rapprocher davantage les lecteurs de Gentlemen Drivers de la manche marocaine du calendrier WTCC 2012.
L’actualité est le changement de nom du Grand Prix de Marrakech, qui devient le Circuit international Moulay El Hassan….
On dit qu’un bonheur n’arrive jamais seul. C’est le cas pour le Grand Prix de Marrakech, qui non seulement revient pour une troisième édition au calendrier mondial de la Fédération internationale automobile (FIA) mais entre désormais dans la légende, en portant le nom de Circuit international Moulay El Hassan. La bienveillance et la confiance que nous renouvelle Sa Majesté est un geste qui nous touche profondément. De tels sentiments accompagnent un sens profond de responsabilité pour réussir cet évènement devenu un véritable levier de notoriété et d’expression hors- frontières pour le pays. En effet, l’événement tombe à point nommé pour ouvrir la saison touristique de la ville ocre.
Quel a été l’impact de Race Of Morocco sur Marrakech?
Les chiffres d’Eurosport parlent d’eux-mêmes. D’un point de vue diffusion, 35 caméras Eurosport produisent le contenu qui permettent à 75 chaines de TV de diffuser les images du WTCC et de la Formule2 à 420 millions de téléspectateurs dans le monde dans 62 pays. Pour ce qui est de l’impact économique, la caravane du WTCC a généré un impact économique direct de 22 millions d’euros pour la ville et la région durant la semaine du Grand Prix. Avec ce Grand Prix, le Maroc se distingue des autres pays du Maghreb, avec une couverture médiatique exceptionnelle, liée à un plateau mondial grâce à une place dans un calendrier des plus convoités. Quelles sont les raisons de l’annulation de 3e édition de cette année 2011 du Race Of Morocco à Marrakech sachant que le contrat avec la FIA est de trois ans? Le Grand Prix de Marrakech a été annulé par le Conseil mondial de la FIA faute de soutien financier pour l’épreuve. En d’autres termes, face à un manque de tutelle et de soutien pour l’événement, l’organisateur, qui assure depuis trois ans l’investissement lié aux infrastructures du circuit et à l’exploitation pour l’organisation des deux dernières éditions, n’était plus en mesure de porter seul la plate-forme. Il fallait présenter à la FIA et au Groupe Eurosport un plan d’avenir solide pour pérenniser l’événement. Et nous n’étions pas en mesure de le faire seuls. Nous avons travaillé trois ans avant de lancer la première édition de 2009. Nous avons aménagé nous-mêmes le circuit en investissant environ 160 MDH, dont une partie en fonds propres et le reste par endettement bancaire et nous avons cumulé 40 MDH de pertes pour les deux éditions. On ne pouvait pas aller plus loin sans le soutien effectif de sponsors nationaux qui, il faut le dire, à une ou deux exceptions près, nous ont fait défaut. Le Grand Prix de Marrakech a reçu l’aide de la ville de Marrakech et de quelques petits sponsors, mais on aurait voulu que les autorités au niveau national prennent la relève pour le pérenniser. C’est d’ailleurs le modèle pérenne des Grand Prix et autres grands événements en Europe.
Si j’ai bien compris, l’absence de tutelle est le problème majeur auquel vous avez été confrontés ?
Notre principale tutelle est la ville de Marrakech, qui est un partenaire majeur de l’évènement. L’ONMT et la Fédération marocaine des sports automobiles participent également. Cependant, un évènement d’une telle envergure qui ouvre le pays sur le monde et lui offre des opportunités indéniables doit s’arrimer à un cadre institutionnel de référence pour assurer sa pérennité. C’est uniquement à cette condition qu’on peut réussir des évènements et bénéficier de leurs retombées positives. Pour s’en convaincre, il n’est nul besoin d’aller chercher loin, puisque notre voisin ibérique offre déjà un exemple très probant à cet égard. L’Espagne accueille deux grands prix de Formule 1, le WTCC, le WRC, le DTM, le Moto GP à des partenariats public-privé bien pensés. La crise profonde en Espagne depuis plusieurs années n’a nullement remis en question ces plateformes, qui font aujourd’hui partie de l’ADN touristique du pays. Mon souhait, c’est de pouvoir garantir au Marrakech Grand Prix une tutelle qui lui permette de s’inscrire dans la durée et de se développer. Je suis persuadé qu’on est déjà sur la voie de la pérennisation, grâce à l’honneur que nous a accordé Sa Majesté le Roi en rebaptisant le Grand Prix de Marrakech « Circuit international Moulay El Hassan ».
Quelles ont été les conséquences de cette annulation?
Mise à part une pénalité imposée par la FIA, à laquelle nous avons du faire face, il n’y a pas eu de coûts liés à la troisième édition vu qu’elle n’a pas eu lieu. Mais les coûts structurels ont été importants, car en tant qu’organisateur, nous portions le montage financier qui a permis de réaliser le circuit et les installations, …grâce ainsi que les deux dernières éditions. Donc, nous devions faire face à nos engagements. Et j’ai à un moment pensé à liquider les actifs, principalement les équipements et de mettre fin à l’entretien des infrastructures construites. Mais c’est justement parce que l’annulation de l’unique manche africaine du Calendrier FIA privait notre ville de retombées considérables, que nous nous devions de tenir bon. Il s’avère que cette position a été soutenue aux plus hauts niveaux des instances internationales. Quelques mois plus tard, la bienveillance de Sa Majesté confirmera la pertinence de notre décision
Comment avez-vous réussi à réintégrer le calendrier de la FIA ?
Pour moi, le retour du Maroc dans la calendrier va dans le sens de l’histoire. Car les sorties de calendrier sont définitives et irrévocables. Prenez l’exemple de la France, sortie du Calendrier en 2008 et absente depuis, pourtant pas sans tentatives d’y revenir. Une manche qui sort du calendrier est immédiatement remplacée par une autre. Dans notre cas, c’est le circuit de Formule 1 de Hongrie qui a pris la place du Grand Prix de Marrakech en 2011. Il faut savoir qu’il y a une forte compétition, surtout de la part des pays émergents, pour intégrer le championnat du monde WTCC. Récemment, nous avons constaté la programmation de manches comme celles d’Abu Dhabi ou de Singapour au détriment de manches européennes. Ce qui a plaidé essentiellement en faveur de notre réintégration du championnat, c’est d’être la seule manche africaine de la FIA. Justement, pour les constructeurs, le continent noir est un enjeu important de par son potentiel de croissance. En tout cas, nous n’avons jamais remis en cause l’évènement en soi, tout en oeuvrant à s’adapter à des réalités incontournables, en procédant à la restructuration de notre entreprise. En septembre de l’année dernière, notre dossier a été soumis à l’appréciation du Conseil mondial de la FIA, qui devait statuer sur son sort, notre objectif étant de réintégrer le calendrier du WTCC dès 2012. A vrai dire, le Printemps arabe nous a permis de justifier un cas de force majeure, même si Marrakech Grand Prix était le seul événement annulé au Maroc en 2011. Notre démarche audacieuse –quelques détails m’accompagneront dans ma tombe- s’est révélée fructueuse, puisque notre dossier a été validé par la FIA en octobre. Je me suis également fait beaucoup aidé et conseillé pour y parvenir. En particulier par un ami très proche aujourd’hui, un ami que seul l’adversité sait produire. Je ne le cite pas car je sais qu’il préfère l’ombre aux projecteurs. Disons qu’il fait partie de l’ADN de la ressuscitation de Marrakech Grand Prix. Enfin, mais surtout, c’est le Groupe Menara, en la personne d’un monsieur de 74 ans, d’un géant parmi les hommes, patriote inconditionnel et battant à bien plus d’égards que nous jeunes, qui donne à ce projet la seule pérennité dont il bénéficie aujourd’hui. A l’annonce du Circuit International Moulay El Hassan, et malgré un contexte de crise aigue, Haj ZAHID a mis fin à toute incertitude sur l’avenir du Circuit en décidant de porter toutes les pertes liées aux premières éditions.
De quelle manière avez-vous surmonté les problèmes de financement ?
Pour pérenniser l’évènement dans un contexte peu favorable, Marrakech Grand Prix devait revoir sa structure financière. Cet impératif s’est traduit par l’apport de 64 millions de DH qui ont permis de réduire de 68% de l’endettement de l’entreprise dû à l’investissement pour la construction du circuit en 2008. Ce budget a été assuré par Menara Holding, l’actionnaire majoritaire de Marrakech Grand Prix. L’entreprise a également bénéficié d’un sacré coup de pouce de la part du groupe Eurosport, qui à travers un nouvel accord de trois ans contribuera un million d’euros à l’organisation 2012.
Quel est le contenu de cet accord ?
C’est un accord sur les droits d’organisation de la manche marocaine du WTCC sur le circuit de Marrakech. En effet, il faut savoir que pour recevoir le WTCC, il faut payer ce qu’on appelle les droits de plateau. C’est habituellement le pays organisateur qui supporte cette charge, car il est le premier bénéficiaire de la publicité et des dépenses des écuries que génère un tel évènement, diffusé sur quelques 75 chaînes à travers le monde. Dans notre cas, c’est Marrakech Grand Prix qui règle ces droits, qui engloutissent une bonne partie du budget d’organisation qui est de l’ordre de 50 millions de DH. Juste à titre de précision, l’organisation impose un Cahier des charges FIA pour l’aménagement du Circuit afin de recevoir les écuries du WTCC et de la Formule3000 cette année. Pour l’édition 2012, nous continuerons à supporter ces droits, mais pas dans leur totalité, puisque Eurosport et le WTCC ont accepté, à titre exceptionnel en 2012, de prendre en charge certaines dépenses qui incombent normalement à l’organisateur. Cette concession fait suite au constat par nos partenaires de la difficulté pour MGP d’assurer une pérennité des revenus lors des deux premières éditions, faute de tutelle qui donnerait une visibilité aux sponsors. De ce fait, le WTCC participera à hauteur de 1 million d’euros dans l’organisation en 2012.
Vous avez également envisagé d’autres pistes pour accroître votre capacité de financement, comme la création d’une régie publicitaire ?
Pour faire face à la crise, nous avons essayé de diversifier nos sources de revenus pour préserver l’équilibre économique de l’entreprise. Nous avons ainsi tenté la voie de la régie publicitaire, à travers notre partenaire Eurosport, pour commercialiser notre quota d’espaces publicitaires, qui n’intéressent pas les sponsors marocains. L’accord stipule qu’il gère une partie de notre espace publicitaire en le commercialisant à l’étranger et en nous reversant une partie des revenus. Cette orientation vers l’international se justifie encore une fois par l’absence de sponsors locaux. Par ailleurs, nous nous sommes inscrits dans une logique de rentabilisation de l’infrastructure de Marrakech Grand Prix, à travers l’accueil d’évènements qui se déroulent sur l’année. Ainsi, en est-il d’une école de pilotage Master Drive d’Alfa Roméo un d’un tournoi français de pétanque prévu plus tard dans l’année.. Enfin, nous avons lancé des tractations avec des étrangers pour l’ouverture du capital de l’entreprise.
Vous avez déclaré que le budget de l’organisation serait revu à la baisse. Pourquoi ?
Effectivement, le budget d’organisation a été revu à la baisse. Cette réduction s’explique essentiellement par le contexte de crise et le manque de sponsors nationaux. Du coup, nous n’avions d’autre choix que de couper dans les dépenses pour préserver la viabilité du projet. Si certaines charges sont incompressibles, notamment celles liées au cahier des charges du circuit qui accueille une manche du Championnat du monde, c’est sur bien d’autres postes que l’organisateur a serré les vis. Ainsi, les espaces réceptifs seront revus à la baisse, le dispositif de sécurité sera allégé et la billetterie simplifiée.
Pouvez-vous nous détailler davantage les changements qui affecteront l’organisation ?
La diversité des espaces réceptifs, notamment les loges, a été supprimée. La communication est réduite et adossée à des partenaires. Le dispositif de sécurité a aussi été revu dans la foulée, étant donné que l’entrée au village sera gratuite, grâce à notre partenaire Meditel, qui distribuera plus de 70.000 billets gratuits durant les trois jours de l’évènement, dans le cadre d’une campagne de communication. Du coup, toutes les dépenses liées au contrôle de la billetterie n’ont plus lieu d’être. Ceci permettra par ricochet de réduire les coûts liés aux opérations de production et de vente des billets. Dans la même démarche de simplification, les places assises en tribune ainsi que le paddock seront accessibles via un seul pass de 500 DH, valable durant les trois jours de l’évènement. La Par ailleurs, le nombre d’espaces d’accueil a été revu à la baisse. Ainsi, on ne gardera qu’un seul des quatre ou cinq points d’information à partir desquels les visiteurs pouvaient prendre des navettes pour se rendre sur le circuit. Enfin, deux années d’expérience nous permettent des optimisations considérables sur plusieurs postes logistiques, et sur la durée nécessaire au montage et au démontage du Circuit. Ces réaménagements nous ont permis d’économiser près de 11 millions de DH pour cette troisième édition.
Quelles sont les nouveautés qui distinguent l’édition 2012 ?
Au programme, le public aura le plaisir de découvrir, en renfort du WTCC, la Formule 3000, qui fera sa toute première apparition en Afrique à Marrakech. Cette course, véritable antichambre de la Formule1, est très excitante. Tout comme en F1, ces bolides de 600ch font des arrêts de ravitaillement dans les stands. Autre grande nouveauté: la Clio RS Cup, plateau marocain de Automobiles Menara, évoluera en course de support officielle avec une homologation FIA entièrement méritée puisque le plateau s’est mis aux normes les plus draconiennes. Il y aura aussi bien évidemment le plateau national de la Fédération Royale Marocaine des Sports Auto (FRMSA), qui lui aussi évoluera en cours de support. Si les courses s’enchaînent à un rythme soutenu, les animations sont, elles aussi, permanentes dans l’enceinte du Circuit. Concerts de musique organisés par Hit Radio, exhibitions auto-moto, baptêmes de piste F1, simulateurs de courses, espaces détente et restauration, un parc de loisirs pour les enfants coté grand public, et enfin soirées exclusives… la fête et le spectacle seront au rendez-vous pendant 3 jours. Pour tout cela, c’est l’opérateur télécom MEDITEL qui accompagne en tant que partenaire officiel la nouvelle vision de l’événement. C’est dans ce cadre, et sur le dos d’une campagne de communication puissante portée par Meditel que ce dernier sponsorise l’intégralité de la billetterie grand public, et la distribue à travers son réseau d’agences.
Pourquoi à votre avis les Sponsors ne suivent pas ?
Imaginez Roland Garros ou le Grand Prix de Valence sans sponsors. Dans notre cas, je dois reconnaître que nous avons fait une mauvaise lecture des leviers du sponsoring au Maroc. Ici, il est plus proche de l’outil d’influence et de lobbying que de l’instrument de communication. Le jeu est économiquement faussé sur ce plan. Car -et c’est l’avis de tous les responsables politiques et chefs d’entreprises que j’ai eu le plaisir de rencontrer- si l’événement crée bien plus de valeur ajoutée qu’il ne cause de pertes à son promoteur, c’est qu’il y a vraisemblablement un déséquilibre dans la distribution de cette valeur ajoutée. Notre vision avait été celle du modèle qui fait investir le privé, avec tous