Pilote-essayeur en chef de McLaren, Chris Goodwin a baigné depuis sa tendre enfance dans un environnement automobile. Son père, médecin, était pilote à ses heures perdues. Son vrai contact avec les voitures, il va le faire sur les circuits que son père arpentait. Il y découvre l’odeur de gomme et d’essence et surtout le son fabuleux des moteurs de course. Ce contact va transformer sa vie, puisqu’il va se consacrer corps et âme à sa passion, d’abord à travers la mécanique. Il montre beaucoup de doigté dans la restauration et la réparation des voitures, mais ce talent précoce en cachait un autre. En effet, Chris Goodwin était également doué pour le pilotage et ne se privera pas de le démontrer lors des courses auxquelles il a participé. Animé d’une soif insatiable de victoires, il s’illustrera dans plusieurs championnats et tapera dans l’oeil de plusieurs constructeurs, qui ne manqueront pas de s’arracher ses services. Après un parcours de haute voltige, il jette l’ancre dans le port de la marque de Goodwing, dont il deviendra le pilote-essayeur en chef. Gentlemen Drivers a eu le privilège de rencontrer ce gentleman driver d’exception, qui a bien voulu, le temps d’un entretien, nous entretenir de sa passion pour l’automobile et de mettre la lumière sur les principaux évènements qui ont jalonné son parcours d’exception.
Avez-vous été intéressé par les voitures depuis votre enfance?
Mon père était un médecin, mais pilotait des voitures à l’international et ce avant ma naissance. Vous pouvez voir quelques images de moi en tant que petit enfant en train de regarder sa voiture de sport Chevron, quand j’avais six ans. Curieusement, nous étions en » vacances » en Espagne, mais il s’est avéré que papa participait à une course de l’European Endurance Series et du coup, nous avons passé quelques jours sur la piste au lieu d’être sur la plage… Je me trouvais toujours autour des voitures de course, à travailler sur elles et à mesure que j’avançais en âge (ce qui était une expérience inestimable, à mesure que ma carrière prenait son envol), cela me donnait également l’occasion de les conduire … Le graal !
Dites-nous comment avez-vous acquis votre première voiture ?
Ma première voiture était en fait une très vieille voiture. Une Turner de 1958, que mon père avait achetée à moindre coût, car elle était presque une épave. Le deal que j’ai passé avec mon père était que si je pouvais la reconstruire moi-même, alors je pourrais la conduire. Eh bien, j’ai passé beaucoup d’heures dans le garage et finalement j’ai obtenu une voiture de route entièrement restaurée, qui en fait a également couru dans quelques courses de voitures historiques.
Ce ne fut pas une voiture de route très pratique pour un adolescent, mais à son volant j’ai gagné toutes les courses auxquelles j’ai participé et il était donc temps de passer rapidement à des voitures contemporaines…
Comment avez-vous effectué vos débuts en sport automobile?
Je passais la plupart de mes vacances scolaires à l’école de course, au circuit de Brands Hatch, près de chez moi. J’ai démarré au niveau le plus bas de «coursier», avant de devenir mécanicien. Les propriétaires de circuit ont développé une nouvelle catégorie d’accès à la course appelé Formula First, avec une monoplace peu chère et basique et il faut dire que j’étais au bon endroit et au bon moment. Ils m’ont laissé utiliser la voiture d’essai pour courir et j’ai été suivi par le programme TV de la BBC Top Gear, qui préparait une sorte de documentaire sur la façon de commencer une carrière dans le sport automobile…
J’étais rapide, mais je ne savais pas au début ce que j’étais en train de faire, mais avec le temps j’ai appris à courir et j’ai eu quelques grands accidents sur le chemin, pour gagner la dernière course de la saison. Une bonne histoire ! Cette bonne couverture TV m’a permis d’accrocher certains sponsors et a conduit une de ces sociétés à me soutenir pour monter en puissance…
J’avais commencé à étudier pour obtenir un diplôme en génie mécanique à l’Imperial College à Londres, mais dès que je eu la chance de courir pour une équipe professionnelle, j’ai laissé tomber les études, pour me concentrer sur ce qui était important !! Mes parents n’étaient pas trop impressionnés. Ce fut un gros pari, mais j’ai remporté le championnat de cette année et ma carrière a décollé. J’ai réussi en Formule Ford, Formule Renault et accroché un baquet en Formule 3000, ce qui était peu évident dans une équipe totalement sous-financée… À partir de là, j’ai été forcé de participer aux courses de voitures de tourisme pour lesquels les programmes offraient le meilleur financement. Ce fut le début de la meilleure partie de ma carrière et parallèlement mon niveau de vie a commencé à s’améliorer, car je gagnais assez pour vivre décemment, ce qui était important, vu que j’avais désormais une épouse et des enfants.
Quels sont vos meilleurs résultats ?
Tous mes résultats sont importants dans un sens ou un autre, puisque chaque succès a ouvert la voie à la prochaine opportunité dans ma carrière. J’ai gagné la dernière course de l’année en Formule First, ce qui a ouvert la porte à ma seconde étape en Formule Ford Series… Sans cette victoire dans une course de bas niveau, je n’aurais peut-être pas eu la chance de continuer à courir l’année suivante…
Chaque petite victoire peut-être très significative. J’ai gagné le championnat de Formule Ford au volant d’une monoplace de la marque Van Diemen et par la suite, j’ai été recruté pour développer la voiture pour les saisons suivantes. Beaucoup de grands pilotes ont piloté pour Van Diemen et de ce fai,t ce fut à la fois un honneur et une grande opportunité d’apprendre comment tester et développer une voiture de course et également un moyen de gagner un peu d’argent. J’ai travaillé pour eux pendant quelques années de plus et j’ai été finaliste dans le Championnat britannique de Formule Renault, qui était vraiment difficile. J’ai gagné des courses pour permettre à Saab de remporter le championnat de voitures de production britannique, avec une seule occasion de course dans le BTCC pour l’écurie écossaise. Je n’ai pas gagné, mais j’étais bien côté points pour mes débuts, en réussissant à battre mon coéquipier et en finissant avec quelques années d’expérience comme pilote d’essai.
J’ai gagné pas mal de courses en BTCC à titre privé, à ce moment aussi. J’ai accumulé des centaines de jours en piste d’essai et j’ai eu la bonne idée de mettre en place toutes sortes de voitures de course et même de rallier des voitures pour Opel et Hyundai. Par ailleurs, j’ai été pilote d’essai sur le projet Saleen S7 GT et cela m’a mis dans l’un des baquets de l’European Le Mans Series. J’ai gagné chaque course et Saleen a remporté le championnat…
Chez McLaren, parmi les évènements qui m’ont marqué, il y a eu ma première course dans une McLaren F1GTR où nous avons gagné la pole position à Silverstone et aussi la première course de la GT3 12C à Spa, où plus récemment, j’ai obtenu la pole position pour les débuts de la marque en compétition.
Comment avez-vous rejoint McLaren?
J’ai été engagé à courir au volant d’une F1GTR, pour une équipe privée en 1997 et nous nous sommes bien débrouillés, en remportant la première course de l’année et en marquant quelques bons résultats contre les équipes d’usine de Porsche, Mercedes et BMW. On m’a demandé de faire des tests de 24 heures pour McLaren en préparation des 24 Heures du Mans, car ils avaient besoin d’un grand nombre de pilotes pour cela. Le test s’est bien passé. J’ai donné un bon feed back aux ingénieurs de course McLaren et j’étais plus rapide que prévu… Donc, on m’a demandé de refaire tous les tests et j’ai été placé dans l’équipe d’usine de McLaren Golf pour Le Mans. Ma carrière chez McLaren a été une série d’occasions de m’illustrer et chaque défi m’a conduit à relever le prochain.
J’ai continué à courir sur des McLaren GT jusqu’en 1999, et puis j’ai piloté la Formule 1 à deux places. Je testais des voitures de Formule 1, je faisais des démonstrations etc…Et j’ai continué à être occupé en tant que pilote jusqu’à ce que le projet de voiture de route SLR avec Mercedes voie le jour. À ce moment, Ron Dennis m’a demandé d’aller le voir et comme il a expliqué les plans futurs pour McLaren (essentiellement ce que nous sommes devenus 15 ans plus tard), il m’a offert la chance d’établir une carrière à long terme avec la société, en me concentrant sur le développement plutôt que la course, mais surtout de m’offrir la variété que je cherchais …
Pouvez-vous nous décrire votre travail de pilote de test?
Depuis le début de ma relation avec McLaren, j’ai tiré profit de la variété qui est en fait l’une des clés pour être un bon pilote d’essai… L’immense base de données d’expérience dont je dispose de toutes sortes de voitures de route ou de voitures de course de F1 à Le Mans, en passant par le NASCAR ou le monde des rallyes, était d’une précieuse aide, à chaque fois que j’étais dans une voiture d’essai ou travaillais sur un problème ou visais une prestation particulière ou une performance.
Chaque jour, je suis au volant de quelque chose quelque part. Mon travail de pilote d’essai a été axé principalement sur nos projets de voitures de route : la 12C, la 650s, la P1, la 675LT et la 570s, mais a également inclus beaucoup de voitures de course, que j’aime bien entendu et qui constituent un volet inhabituel dans mon rôle dans l’entreprise automobile. J’ai conduit la plupart de nos voitures de Formule 1, toutes nos voitures de course GT et je suis en train de développer la P1 GTR, dédiée à la piste et le programme d’entraînement. Piloter la F1 GTR était ce que j’avais fait de plus sensationnel dans ma carrière, mais plus récemment, le pilotage de la 12C GT3 a été extrêmement gratifiant. J’ai joué un rôle dans la conception du programme GT3 de course et nous avons maintenant environ 60 voitures GT3 partout dans le monde, avec des écuries privées qui gagnent beaucoup de courses. La dernière course à laquelle j’ai participé était les 24 Heures de Spa, où j’ai partagé une voiture avec Bruno Senna, dont j’ai managé la carrière. Maintenant, il a cessé de courir en F1 et il pilote une 650S GT3 pour nous, ce qui est une excellente chose. Chaque jour est différent et je suis impliqué dans nos projets de voitures depuis le début. Cela signifie beaucoup de kilométrage de piste d’essai sur des mulets ou des prototypes qui peuvent être n’importe où dans le monde, en fonction de ce que nous testons.
En Espagne, pour la maîtrise des circuits, en Italie pour du pilotage à grande vitesse, en Suède pour les lacs gelés, en Allemagne pour le Nurburgring, au Bahreïn pour le temps chaud ou n’importe où, de Londres à Los Angeles, pour trouver les routes et autoroutes les plus difficiles. C’est la meilleure partie de mon job. Être loin avec une petite équipe de nos ingénieurs et développer le produit à partir d’une idée géniale (nous avons certains des ingénieurs les plus brillants et les plus innovants), qui est à la base d’une voiture qui fait rêver nos clients et leur donne plus de performance que prévu et une grande maniabilité pour attaquer dans les virages.
Quels sont vos futurs projets?
Nous travaillons toujours sur de nouveaux projets, à court terme et à long terme… Venez au prochain salon de l’automobile pour voir ce que nous allons aligner (rires…)…
Êtes-vous un collectionneur de voitures anciennes ?
Oui, j’aime les voitures. J’en ai toujours, surtout quelques vieilles voitures qui sont importantes, pour diverses raisons. Je cours sur un vieux bolide McLaren au Goodwood Revival, qui est incroyablement amusant. C’est un M1B qui a été le tout premier châssis Can-Am que McLaren a produit et a fait courir. Le châssis n°1 ! Je possède également une Fiat 500 originale, que j’ai achetée dans le sud de l’Italie lors d’un voyage d’essai… Voilà beaucoup de plaisir et un bon exemple de l’innovation pour le marché de masse… Je possède, par ailleurs, une vieille Lotus, qui est l’une des voitures de course légères emblématiques de la révolution des années 1960 et une Mercedes SL de 1950, qui représente vraiment les normes élevées de la qualité et de l’ingénierie pour l’époque (même si elle ne se conduit pas comme une voiture de sport…) Je vais très prochainement acheter de nouvelles voitures…Je ne peux pas m’en empêcher (rires…)
Quelle est la voiture classique qui vous fait le plus rêver ?
La McLaren M23 que James Hunt a pilotée lors du Championnat du monde de F1 en 1976. J’ai grandi en rêvant de cette monoplace et je l’ai vue en direct en tant que gosse, alors que les pilotes couraient à Brands Hatch près de ma maison. J’ai pédalé jusqu’à la piste et je me souviens très bien des couleurs, des sons et des odeurs que j’ai senties lors de la course de Nikki Lauda ce jour-là …J’aimerais posséder cette voiture.
Quelle est la voiture que vous conduisez chaque jour?
Une McLaren, bien sûr… C’est ce que je conduis toute la journée comme je passe la plupart de mon temps sur la piste d’essai… Quand je suis loin du travail, j’essaie de conduire l’une de mes vieilles voitures pour changer même si je laisse un Land Rover Defender dans le parc de stationnement de l’aéroport chaque semaine…
Quels sont vos hobbies?
Pas beaucoup de temps pour ça, mais je passe chaque temps libre avec ma famille. Ma femme et mes enfants sont très portés sur le sport (ma femme est un coach sportif). Mon fils a déjà couru le marathon et ma fille pratique le hockey à haut niveau. Je cours partout où je suis dans le monde et souvent on souhaite courir ensemble la course de 10 km ou juste explorer un nouvel endroit. La course me permet d’être affûté, ce dont j’ai besoin chaque jour pour parcourir beaucoup de kilomètres sur circuit ou en avion……
Biographie
1967
Naissance à Londres, au Royaume-Uni
1987
Débute la compétition avec le championnat Formula First.
1991
Participe au championnat de Formule Vauxhall.
1992
Participe au championnat de Formule 3000
1999
Participe au championnat britannique de GT au volant d’une McLaren et occupe
la première place
2009
Pilote la Formule 1 McLaren MP4-23 lors du Festival of speed de Goodwood.