Simple, courtois et doté d’un humour espiègle, Ali Idrissi a eu la chance de baigner depuis sa plus tendre enfance dans un environnement où la voiture avait une place de choix. Avec une passion chevillée au corps, notre gentleman driver n’a pas hésité à s’improviser restaurateur apprenti à ses heures perdues!!! . Arpentant les cimetières des anciennes et les garages situés au diable vauvert, Ali Idrissi a réussi à donner sens à ses rêves d’enfant en se procurant au fil des ans quelques modèles et non des moindres. Il en a fait de la miniature une passion qu’il expose fièrement comme pour rappeler que l’homme grandit tout simplement avec ses rêves. Pour les lecteurs de Gentlemen Drivers, notre invité a accepté le temps d’un entretien d’ouvrir sa boîte de Pandore pour nous relater la trajectoire d’une vie riche, pleine de péripéties et d’anecdotes croustillantes.
Racontez-nous vos débuts avec l’automobile…
Dès mon plus jeune âge, j’ai eu cette chance de baigner dans un environnement où l’automobile était présente avec force. Je me souviens bien de mes premiers pas dans une petite voiturette à pédales d’antan d’un rouge qu’on ne fait plus de nos jours (rire). Pour rester dans les normes, disons qu’à l’âge de quatre ans, j’ai été franchement fasciné par l’automobile ou comme disait mon frère Larbi « la tototte ». Inutile de vous dire que mes cadeaux préférés étaient les miniatures de marque bizarroides Dinky Toys, CIJ, Solido, Norev, Corgi toys, Jouef, Matchbox, Majorette…mais ô combien fascinantes par leur conception métallique et leurs rivets sur la plaque du chassis … (l’œil du détail en dit long à cet âge…). Considérées par mes parents comme malsaines pour la lecture, j’arrivais tout de même à me faire offrir de belles bandes dessinées comme la BD « Michel Vaillant », et c’était un univers qui me faisait rêver et qui me fait encore rêver (ceux qui relisent leurs BD d’enfance se reconnaitront). Je trainais souvent dans les garages du ministère de la Santé où mon père travaillait et j’étais émerveillé par les voitures de bonne facture de la fin des années 60 et début des années 70 (BMW 3.0 S, Mercedes 280 SE, Citroën SM) : mes premiers pas dans la reconnaissance olfactive des intérieurs de chacune d’entre elles, ce mélange de cuir, boiserie, plastique et de velours … Je me souviens aussi des premières belles voitures rencontrées à Tanger, la ville que je considérais comme étant le grenier des véhicules d’exception…Tanger a su discrètement et jalousement conserver jusqu’à ce jour des joyaux de l’automobile des années 30 et 40. En revanche on voyait à Marrakech de ludiques carrosses à 2 chevaux côtoyant ces longues et belles carrosseries américaines telles que Cadillac, Studbaker, Plymouth, Lincoln, Mercury… Je me rappelle sur la route du retour de mon tout premier pèlerinage de Moulay Driss Zerhoun (rituel familial sacré) où la Citroën SM nous avait tous subjugués par sa stabilité, son design et son aérodynamisme futuriste. Tous les frères et sœurs était unanimes, j’en faisais une fierté de ce cas !!! Je ne vous cache pas qu’on tenait des discussions interminables entre frères sur les voitures de l’époque surtout celles qui nous intriguaient comme la SM, la Mercedes Papillon ou encore la DB5 de James Bond… Sentant mon intérêt précoce pour l’automobile, mon père a fortement contribué à ce que ce rêve ne se termine jamais !!!! En me racontant l’acquisition de sa 403 chez Peugeot aux Champ Elysées, j’ai automatiquement noué un lien d’affection avec Sochaux… C’était une version «chic» de 1957 avec toit ouvrant et je garde en mémoire son immatriculation 1951-36…elle a du finir concassée dans une ferraille. J’ai longtemps rêvé de la retrouver et je garde espoir… Pour mon père c’était un moyen de transport utile mais pas nécessaire car à son goût l’automobile envahissait un peu trop les villes et il en faisait à son époque un cas de pollution chronique…on échangeait souvent sur le futur comme sur le présent et c’est ce qui m’a poussé à mieux explorer les arcanes du monde de l’automobile. En remplacement de la 403 qui se faisait vieille esthétiquement seulement (mon père entretenait ses voitures avec beaucoup de délicatesse) et fidèle à la marque au lion, son choix s’est porté sur la nouveauté de l’époque la Peugeot 204 qu’il a choisi en break. J’ai le souvenir d’avoir assisté à son acquisition chez Peugeot à Rabat où M. Richard père d’un ami de classe était responsable commercial. Tenant à la main le cahier de bord du véhicule, j’avais tout de suite été attiré par la toute petite sœur de la Break : la 204 cabriolet…ce petit modèle avec toit amovible m’avait séduit. Un jour, alors que nous étions dans la voiture avec mes frères, j’avais ouvert le catalogue de bord et en montrant la photo de la version cabriolet je leur ai dit : c’est cette voiture que j’achèterai quand je serai grand !
Comment cette passion s’est-elle développée ?
J’ai comme l’impression que la passion se développe dans le rêve ! A l’évidence j’étais aussi un inconditionnel de Peugeot tout en ayant un sérieux penchant pour la Citroën et en particulier pour la mythique DS. Notre voisin de l’époque le représentant de l’ONU au Maroc, possédait une version Pallas ornée du petit drapeau de l’ONU sur le coté gauche du véhicule. Je ne me lassais pas de contempler sa forme révolutionnaire et ses portières à vitres sans montant (jamais vu pour une berline) !!!! L’esthétique qui me laissait sans voix…. Dans notre rue, j’avais fait connaissance avec tous les véhicules du voisinage et je me souviens en particulier de M. Souissi, cet homme aux cheveux blanc très discret et fier dans son américaine…un long coupé Chevrolet blanc aux allures des séries américaines, M. et Mme Zamora avec la CX et la 4cv, M. Courmont avec la 504, M. Nataf avec la R16, M. Arsalane El Jadidi avec la Mercedes 280 SE, M. Hassani avec sa Fiat 125, la famille Matéo avec la Mercedes ponton 220 S… Même la Ford Mustang de M. Sbaï, voisin de mon Ecole Albert Camus, avait bousculé mon imaginaire. Un jour de printemps à la sortie de l’école, M. Sbaï nous a fait un tour de Mustang les cheveux au vent dans cet intérieur sportif et je me souviens du détail du volant (à trois branches chromé avec des cercles sur chaque branche) qui n’était pour moi qu’un volant de bolide de course comme ce que je voyais dans les BD …c’était une des premières Mustang décapotables, celle de 1965 ou pardon de 1964 et 1/2 comme disent les puristes. J’avais au fur et à mesure du temps pu développer un intérêt pour la course automobile, grâce à mon ami de classe Jean-Philippe Madonia, dont le père était passionné de sports mécaniques (moto et auto) et en particulier de l’historique Rallye du Maroc. Je m’étais initié aux grands noms de pilotes de l’époque et j’avais été surpris d’apprendre qu’en 1972 seulement 6 équipages sur 78 achèvèrent l’épreuve. J’ai assisté de 1972 à 1976 au départ du Rallye du Maroc, et avec fierté je mettais un nom sur les têtes (Bob Neyret en DS avec qui j’ai couru au Rallye Classic plus de 40 ans après, Jean Deschazeaux en SM, Jean Pierre Nicolas en A110, Chasseuil, Fall, Hannu Mikkola et Jean Todt en 504 V6). J’avais enfin pu toucher la SM qui me hantait par sa beauté agressive et son tableau de bord de Concorde. Ce fut des moments magnifiques, j’avais conscience d’approcher les vedettes du Championnat International des Rallyes tout en m’imprégnant de l’atmosphère de la course. Pour étancher ma soif et être au fait de l’actualité du sport automobile, je lisais les rares revues automobiles du moment et je me suis intéressé tout particulièrement à la course aux 24 Heures du Mans. Cette course me fascinait au point d’avoir constitué un cahier reportage photos des courses de 1968 à 1978. Cela m’a permis de me familiariser avec les équipes Matra-Simca d’Henri Pescarolo (triple vainqueur de 1972 à 1974) et Martini Racing Porsche de Jacky Ickx (triple vainqueur de 1975 à 1977). A l’âge de 8 ans j’ai été initié à la chasse sans pour autant avoir perdu mon rapport aux voitures. Au volant de sa confortable et spacieuse 504 Feu Moulay Abdeslam El Alaoui nous enseignait à Feu Zizou (son fils) et à moi, l’art de la pratique de la chasse et la noblesse de ce sport. La passion de la chasse a été transmise par ce Maître érudit qui nous a enseigné le respect de la nature, le biotope, la faune, la flore, ainsi que la photographie dans toute sa splendeur; l’idée était d’exercer l’activité de chasse en matinée et de consacrer l’après midi à la prise de photos que nous développions le soir. Je me souviens avoir mis en pratique quelques expériences de chasse de Marcel Pagnol qui ont forgé en nous cette passion: nous avons semé du blé imbibé d’alcool pour disons rendre plus facile la capture des perdrix. Une expérience fabuleuse car effectivement l’objectif de souler le gibier a été atteint…y a prescription aujourd’hui (rires)…
A l’âge de 13 ans, j’avais décidé de franchir le pas et conduire la 204 de mon père. Au cours d’un week- end passé à la ferme du Souissi, je me suis installé à la place de mon père et après plusieurs essais à vide (sans avoir mis le moteur en marche), j’ai démarré, débrayé, introduit la première vitesse et la magie du moteur 4 temps s’est fait entendre. La Chasse et la conduite en représentaient mes principales activités des week end à la ferme, jusqu’au jour où ma sœur Afafe a endommagé l’aile avant de la voiture en se frottant au mandarinier du coin. Au cours d’une intéressante discussion sur le réglage du moteur de la 504, M. El Alaoui m’a initié au réglage des culbuteurs de la partie haute du moteur et comme l’idée de reproduire l’expérience sur la voiture de mon père s’est rapidement emparée de moi, je lui ai fait part de mes intentions. En me remettant en main propre l’outillage nécessaire, j’ai aperçu dans son regard une petite inquiétude… Je suis finalement intervenu dans une totale discrétion, je me suis assez bien débrouillé puisque la voiture a démarré, mais avec beaucoup plus de claquements (rires…). Je me souviens aussi de cette étrange rencontre que j’ai eue avec la belle Cadillac de M. Omar Naguib, charmant journaliste égyptien qui travaille toujours à l’opinion. Un jour de printemps, en me dirigeant avec mes parents vers le cinéma Royal pour assister à la représentation de « Connaissance du Monde », j’ai aperçu cette belle américaine, aux ailes arrières pointues et aux pare- chocs géants, sur le coté droit de la chaussée. Elle était immense que ce soit en longueur ou en hauteur…mes yeux arrivaient au niveau de la poignée de la porte! Une vraie histoire d’amour car quelques années plus tard nous nous sommes rencontrés au marché central de Rabat, à la place Piétri, à Salé où j’avais pu aborder Omar Naguib et lui demander de quel modèle il s’agissait : une Cadillac Coupé de ville de 1958 doté d’un moteur V8 et mesurant un peu plus de 6 mètres de long !!! Un rêve de plus n’est-ce pas ? Celui-ci s’est réalisé puisque cette voiture se trouve aujourd’hui dans mon garage en phase de restauration. A l’âge de 14 ans je commençais à m’intéresser au surf, qui est un sport de glisse assez physique. Une nouvelle dimension s’offrait à moi dans ce nouveau rêve, où l’adolescent que j’étais prenait gout de plus en plus aux plaisirs de la nature. Nous avons été en bus de Rabat à la recherche des célèbres spot du sud du Maroc, côtoyant aussi bien la vague des mouvements hippies que celle du Rock’n Roll avec les célèbres Doors, Beatles, Pink Floyd, Rolling stone, Deep Purple, Scorpions, Jimi Hendrix …Nous y sommes revenus une fois le bac en poche mais cette fois-ci avec le Camping Car Combi-Westfalia du Colonel Boutayeb, père de mon ami Karim.
Parlez-nous de votre première voiture ?
Et si je vous parle de la 304 cabriolet ??? La sœur de la fameuse 204 du carnet de bord de la 204 break !!! Effectivement Ma première vraie voiture, c’était une Peugeot 304 cabriolet de 1974. Alors étudiant à Toulouse, je guettais toutes les opportunités qui se présentaient à moi et un jour en discutant avec une personne sur une terrasse de café, on m’en a parlé en m’indiquant exactement sa localisation dans la banlieue de la ville. A l’arrêt depuis plus de deux années au fond d’un garage dans un état assez déplorable : accidentée coté conducteur, sans doute pour non respect de priorité. Je n’avais vraiment pas les moyens de cette petite folie à ce moment …un matin d’hiver la chance m’a souri: j’ai remporté le premier prix au jeu questions-réponses de France Inter qui m’offrait gracieusement accès à cette chose qui m’attendait au fond de ce garage tout poussiéreux. Après avoir franchi l’étape de l’acquisition, il a fallu mettre sur pied un plan « Marshall » pour sa restauration…. Muni de la photo du véhicule, j’ai consulté 3 ou 4 carrossierses, en prenant le soin de choisir parmis les plus chevronnés de la région; inutile de vous dire que tous les devis avoisinaient 4 fois le prix d’acquisition… J’ai enfin trouvé un terrain d’entente avec l’un d’entre eux, qui m’a proposé tout franchement d’apprendre le métier afin de restaurer moi-même ma voiture. J’ai donc travaillé dessus pendant les trois mois d’été. Le deal était simple : le carrossier me prêtait son garage, son matériel et en contrepartie je lui donnais un coup de main en cas de besoin. C’était une façon pour moi d’apprendre le métier et de m’impliquer à 100% dans ma passion ! J’ai mis à nu la voiture, changé l’aile gauche, la portière ainsi que le bas de caisse et ensuite j’ai tout remis en place (apprentissage de la soudure !). Une expérience très instructive à mes yeux, parce que je considère avoir appris un métier et une méthodologie de travail à aborder pour la restauration d’un véhicule. La séance de démontage doit être menée de façon très méthodique !!! Je ne vous cache pas qu’il y a eu des moments difficiles, très difficiles même et il a fallu surmonter les échecs (premières soudures à reprendre, redressement de la tôle à la main, mauvaise préparation de la peinture, blessures et brulures…). Au fur et à mesure de l’avancement des travaux j’avais pris conscience que je réalisais enfin une partie de mon rêve. Après trois mois de travail acharné, la voiture était enfin prête !!! Ouf de soulagement car j’y ai cru et j’ai eu raison de persévérer !!!Impatient de conduire mon rêve d’enfance et en même temps fier du résultat de mon travail, j’ai décidé de procéder aux premiers essais sur le campus de l’Université Paul Sabatier ; par malheur j’ai eu un accrochage en sortant du campus (rires)… Il a fallu trois semaines supplémentaires pour les réparations. A mes heures perdues, je prenais un plaisir fou à chiner dans les casses et les brocantes, pouvoir rencontrer des passionnés, échanger et surtout dénicher les rares opportunités du moment. Je me suis lié d’amitié avec les collectionneurs de la région, les garagistes et beaucoup de ferrailleurs si intéressants. J’ai intégré l’Amicale Denis Papin (Club du Sud Ouest) ainsi que le club 403 de la Haute Garonne (par nostalgie à la 403 des Champs Elysées de mon père). C’est grâce à ces réseaux que j’ai fait l’acquisition de la Simca 8 de 1952 (délaissée à ce jour dans le Gers département du foie gras…). À mon retour au Maroc, j’ai été en quête d’un univers de passionnés et sans trop de difficulté j’ai renoué avec des amis d’enfance qui bizarrement avaient les mêmes centres d’intérêts que les miens. En 1999, j’ai fait l’acquisition de la Citroën DS 23pallas, véhicule officiel du premier ministre des années 70. Elle était particulière car possédait en option un accoudoir coté conducteur…Une année plus tard, avec un groupe d’amateurs, j’ai pu dénicher une Triumph TR2 et à ce jour je n’arrive pas à comprendre comment ai-je pu m’en débarrasser…
Vous êtes également collectionneur de miniatures…
Par la force des choses les miniatures font partie intégrante de ma passion comme elles sont exposées un peu partout dans le salon ; c’est comme une revanche sur une partie de mes voitures d’enfance perdue de peur que ce rêve ne m’aide plus à grandir… je sais pertinemment le sort qui leur a été réservé, toutes les mères finissent pas faire le vide placard à jouet…et généralement ça se fait à l’adolescence !!! Effectivement, j’ai commencé à collectionner les petites voitures à mon arrivée en France. Retrouver les jouets d’enfance y compris les trains électriques, découvrir de nouvelles miniatures, repérer et suivre une série de production limitée, telles ont été mes motivations pendant ces 30 dernières années dans la collection de la miniature. Les dimanches matin, une ou deux miniature aux puces de St Sernin à Toulouse, des fois sur des ventes aux enchères comme chez Drouot à Paris. Aujourd’hui, je procède de la même manière en chinant à la joutiya de Rabat, à Derb Ghellaf à Casablanca ou ailleurs… J’apprécie ma collection et je peux vous donner le détail de l’endroit où j’ai fait l’acquisition de chacune d’entre elles !!! En quelque sorte, une manière de perpétuer mon rêve…. grâce à cette passion pour les miniatures, j’ai rencontré des gens merveilleux un peu partout à travers le monde, ce qui m’a permis d’apprendre beaucoup de choses et j’espère apprendre encore plus.
Est-ce que votre passion a influencé votre orientation académique ?
On peut voir cela sous cet angle, tout à fait. Fasciné par le moteur à explosion et fortement intéressé par les sciences de la physique, j’ai cru bien faire en optant pour « l’Ecole Nationale Supérieure du Pétrole et des Moteurs ». Je me souviens de ces revues techniques disponibles au sein de la bibliothèque de l’école, des expériences d’engins fonctionnant avec l’énergie fossile à l’état brut, des anciens moteurs exposés au centre…autant de souvenirs inoubliables. J’avais eu cette chance d’avoir été élu président du bureau des élèves et nous organisions en plus des conférences et débats des activités parascolaires étroitement liées à la course automobile : les Grands Prix de Formule 1, les courses interscolaires de karting… Les étudiants de l’école pouvaient également passer une sélection pour intégrer la filière ingénieur de course F1 chez Elf.
Comment procédiez-vous à la restauration de vos voitures ?
Vous voulez dire comment je m’y prends ? De par l’expérience de la restauration de ma 304, j’estime être en mesure de diriger des travaux de restauration tout en mettant la main à la pate… Dès mon retour au Maroc, je me suis empressé d’aménager un garage chez moi pour les besoins de la restauration. La première voiture que j’ai eue à restaurer était une Cadillac Coupé Deville de 1958. Ah oui ! La fameuse qui se trouve aujourd’hui dans mon garage, celle dont j’avais rêvé pendant 40 ans !!! Je parle bien de celle d’Omar Naguib. Un jour, en chinant chez un vendeur de pièces détachées à Rabat, un jeune homme m’aborde pour me proposer la fameuse Cadillac d’Omar Naguib qui m’avait marqué tout près du cinéma Royal. Je me suis empressé de me rendre chez Omar Naguib et j’ai été choqué par la dégradation de son état ; il est vrai que l’état de la Cadillac en 1972 était loin d’être celui de 2007. Elle était dans un piteux état. Sa restauration est en cours, mais c’est un très très long chantier… Ceci dit, je ne vous cache pas que pour la Cadillac, je profite pour acheter des pièces neuves à chaque déplacement aux USA : un tableau de bord entier ainsi que les vitres des deux portes pendant les vacances avec les enfants en floride en 2008, tous les joints ainsi que les pneus lors de ma dernière visite à Hershey (la Mecque des collectionneurs en Amérique…rien à voir avec Rétromobile de Paris). Pour restaurer mes voitures, j’avais embauché à domicile à Rabat deux personnes à plein temps, un tôlier et un mécanicien. J’ai vite compris que je ne pouvais pas les gérer à distance vu que physiquement mon bureau est à casablanca. Pire encore, j’ai su qu’ils exploitaient mon garage pour réparer à la sauvette les véhicules de clients ou que sais-je. J’ai donc décidé de m’en séparer tout simplement. Pour la Ford Mustang, Yassine Madani a été le premier responsable de cette acquisition (rires)!!!! Un après midi de printemps, Yassine m’appelle de Tanger et me dit : « Ecoutes Ali, je viens à l’instant de croiser chez un mécanicien l’ancien chauffeur de Paul Bowles et il est vendeur de sa Mustang ! Si ça t’intéresse viens vite ! » La Voiture de Paul Bowles !!! Aie ça n’arrive pas deux fois dans une vie ce genre de truc…le lendemain matin à 9 h tapante, nous étions Fayçal Doukkali et moi à Tanger au point de rendez-vous convenu. De couleur méconnaissable car toute recouverte de graisse, la Mustang était sur cales dans un spacieux garage (c’était une façon de la conserver de l’humidité et tout genre d’agression…). La voiture était dans son jus, un intérieur pony deluxe (blanc et marron) très bien entretenu et un moteur V8 en état moyen (ce sont des moteurs increvables). Après avoir remplacé le freinage, les pneumatiques et l’échappement j’ai eu le plaisir de la piloter tel quel dans son jus pendant trois ans. Très impressionnante dans la conduite, la ford Mustang ne se conduit pas mais se pilote plutôt ! A six mois de ma première participation au Rallye Classic, j’avais décidé de la restaurer et de la préparer comme voiture de course de rallye. Adib et Khalid sont les artisans de cette restauration réussie ! Ce sont des passionnés de l’automobile qui travaillent de leurs propres mains. Adib parle français comme vous et moi et a étudié la mécanique aux USA – donc aucun souci de communication, d’une attitude professionnelle et d’une fiabilité exemplaire. Nous avons profité d’un petit séjour d’Adib aux USA pour équiper la belle Mustang d’un moteur Edelbrock préparé, de freins à disques ventilés, d’une ligne d’échappement en inox, radiateurs, amortisseurs, pneus et jantes 15 pouces, feux avant, moquettes d’insonorisation et de bas de caisse…enfin et toutes les vis chromées ainsi que les ampoules et autres petits détails !!!! La voiture était prête trois jours avant le départ du Rallye Classic et à voir la tête de mes amis sur le paddock, j’avais surtout saisi qu’ils avaient été bien bluffés car ils n’y croyaient pas un instant (à Hugues, Jalil, Majid et Rafik). Cette année là, j’avais eu aussi l’opportunité d’étoffer ma collection avec la majestueuse 220 S coupé de Mercedes. Un des plus beaux coupé de chez Mercedes. De 1966, ce véhicule est resté 30 ans au fond d’un garage au centre ville de Casablanca. En bon état j’ai tout de même décidé d’entamer une restauration chez mon ami Norredine à Casablanca. La 190 sl est le dernier « big » chantier du moment que j’ai confié à Adib et Khalid. Restée pendant une dizaine d’année entreposée chez le déménageur Bailly dans l’attente de son transfert en Europe, cette voiture a été (malheureusement pour son propriétaire et heureusement pour moi) mise aux enchères suite à la liquidation de Bailly au Maroc. Très convoitée par les collectionneurs de la place, tout le monde gardait jalousement en secret cette belle Mercedes de la fin des années 50. C’est grâce à mon ami Khalil Laimani, lui aussi grand passionné, que j’ai pu me la procurer. J’ai acheté cette voiture en 2009 sachant qu’elle n’avait pas de papiers. En cherchant dans la voiture, j’ai trouvé des plaques d’immatriculation sénégalaises et une enveloppe portant le nom d’un certain Eric. J’ai « Googlé » nom et prénom et je lui ai adressé un message mail lui demandant quelques renseignements sur la voiture. Quatre mois plus tard, Eric a gentiment répondu et m’a raconté l’histoire de cette 190 sl de 1962. Epoustouflant, je venais de retrouver l’ancien propriétaire de la 190 sl !!!! Eric a acheté cette voiture au Sénégal où il résidait et suite à son déménagement sur Casablanca Eric avait dédouané le véhicule mais n’a jamais eu vraiment le temps de procéder à son immatriculation. Obligé de s’expatrier à nouveau, Eric a confié son déménagement à Bailly qui n’a jamais fait suivre la belle 190 sl… J’ai proposé à Eric de racheter son véhicule mais il m’a semblé très hésitant…voir un peu dégouté et en même temps content pour moi. Nous sommes restés en contact et je viens d’apprendre qu’il a acheté un coupé jaguar des années 80. Pour entamer la restauration d’une aussi précieuse allemande, il faut être très vigilant coté budget car les pièces de rechange sont excessivement chers. Mon ami Dafir Harraki m’avait prévenu !!! Pour ce qui est du chromage, inutile de perdre son temps au Maroc, personne ne vous livrera la qualité requise. J’ai fait refaire tout le chromage en Espagne grâce à mes amis Mohamed Laroussi et Don José Luiz Alarcos deux passionnés à la retraite. J’ai commandé quelques pièces en Allemagne et mécaniquement, nous avions déjà procédé au réglage des carburateurs, qui sont très sensibles. Quand à la sellerie, elle a été complètement refaite par Bouchaib chez Hervé Arnon (Merci Hervé). Il ne me reste plus qu’à commander chez Mercedes le pare-brise ainsi que les joints (de portes, coffre, pare brise et du hard top). Au dernier salon Rétromobile, j’ai adhéré au club des propriétaires de Mercedes 190 sl en France pour avoir accès à leur base de données des pièces détachées et pourquoi pas organiser un rallye au Maroc…. Au Maroc, on peut encore trouver quelques pièces mécaniques de rechange, mais cela devient de plus en plus difficile. En s’échangeant des pièces ou en se dépannant l’un à l’autre une certaine solidarité existe entre nous. Je n’oublierai jamais l’assistance de Si Ahmed Zerkdi et de Ahmed El Ghdir à Agadir il ya deux ans au Rallye Classic 2012.
Qu’en est-il de votre participation au Rallye Classic ?
En 2011, nous avions décidé avec Mathieu Sabbagh (copilote) de participer au Rallye Classic avec la Mercedes 220 S coupé, mais malheureusement elle me lâcha la veille du départ. Je me souviens avoir appelé à 23h mon ami Brahim Bouabid pour emprunter sa Citroën DS avec laquelle j’avais pu gagner une épreuve de régularité. Par magie, j’ai retrouvé le fameux Bob Neyret (au volant d’une magnifique DS préparée), ce coureur hors pair que j’admirais dans les années 70 au départ du Rallye du Maroc. Le rêve de gosse quoi !!! C’était un rallye difficile, car il a fallu gérer les défaillances du système de freinage (perte des freins entre Tanger et Ksar Sghir) et celles de la boite à vitesse…Nous avons été classés 13ème au général, une très bonne prestation !!! L’édition 2011 du Rallye a été endeuillée par la brutale disparition au lendemain de la course de Frédéric Marquis et quelques mois plus tard de Jean François Rageys, deux amis au cœur gros comme ça !
A la mémoire de Frédéric Marquis, tous ses amis ont décidé de participer en 2012. Malgré la casse des lames de suspension de la Ford Mustang (oubli de recensement des pièces à changer pendant la restauration du véhicule) j’ai pu reprendre la course grâce à l’intervention d’Adib…Omar Bekkari m’avait prévenu, mais dans l’élan d’une restauration l’oubli est humain ! 15 ème au général tel a été notre prestation toujours devant notre concurrent de toujours d’Hugues Degouy avec son AC Cobra de 1965. En 2013 j’ai recidivé avec ma femme comme Co-pilote !
Que pensez vous des contraintes administratives qui pèsent sur les collectionneurs aujourd’hui ?
Les contraintes administratives ou le manque de vision de certains fonctionnaires ? Ou franchement le manque de compétences en la matière? Ils sont tous devenus fous !!! Au lieu d’en faire un effet de levier pour le tourisme au Maroc, nos fonctionnaires planchent sur des mesures populistes. Au lieu de valoriser ce patrimoine national nos fonctionnaires s’échinent à vouloir le faire disparaitre sans aucune autre forme de procès parce qu’ils pensent à tort que ceux qui détiennent des voitures anciennes sont forcément fortunés ce qui est non seulement faux mais stupide. Combien d’entre nous auraient été tentés de vendre leur véhicule à l’étranger ce qui a été d’ailleurs très largement fait autrefois ? Nous restons une petite poignée d’irréductibles à vouloir coute que coute conserver cette mémoire vivante et au lieu de nous accompagner dans ce sens les autorités compétentes continuent à vouloir nous achever dans l’indifférence totale. Ceci étant, nous gardons une lueur d’espoir vu que le ministre de tutelle s’est montré sensible à nos doléances et nous sommes dans l’attente du règlement de toutes les questions en suspens.
Vos enfants s’intéressent-ils à l’automobile ?
Il serait très difficile pour eux de ne pas s’intéresser à l’automobile !!! Ils ont été présents au départ des différents Rallyes, observent avec attention les miniatures au salon, s’intéressent à ma collection de livres sur l’automobile…et enfin se font un plaisir d’être accompagnés au lycée en Ford Mustang !!! J’espère qu’ils perpétueront cette passion et à leur tour qu’ils puissent accomplir leurs rêves d’enfant. Fiers de leurs descendance germanique Meryem et Mehdi seront des inconditionnels de Mercedes, car ils possèdent la Mercedes 220 SE de 1957 découvrable de leur arrière Grand-père, l’éminent physicien D. Stürmer.
Biographie:
1965: Naissance à Rabat
1976: Prix de la francophonie avec Abdelaziz El Alaoui (Zizou)
1980: Sous le soleil de minuit aux environs du cercle polaire
1996: Naissance de Meryem
1997: Sélectionné au Camel Trophy
1998: Naissance de Mehdi
Depuis 2002 à la Banque Centrale Populaire.